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APPEL A NOS CONCITOYENS

 

 

Frères et soeurs d'Afrique l'association CAURIS est à Nous ; elle se fixe comme objectifs parmi d'autres de nous donner la parole afin qu'ensemble nous arrivions à tracer une voie Africaine hors du schéma déterministe occidental.
Le continent de l'oralité ne doit pas être en reste à l'heure de la communication universelle où Internet semble prendre le pas sur les autres médias. C'est pourquoi nous nous devons, de nos hameaux, bourgs, villes et villages prendre la parole et dire ce que nous vivons chaque jour :

- Nos langues
- Nos us et coutumes
- Notre organisation sociale
- Notre parole, nos récits contes et proverbes
- Nos philosophies
- Notre histoire
- Etc.

CAURIS prend l'engagement de publier sur le net tout document original et novateur qui puisse susciter des débats et des contributions. Nous publierons également des cahiers cauris sur les débats.
Nous vous demandons donc d'enregistrer sur cassettes les Anciens qui sont dépositaires de la mémoire de notre continent, de traduire si possible l'interview dans une langue occidentale, mais de nous faire parvenir l'original dans sa langue d'origine. De filmer les cérémonies, les rites et initiations autorisés, de constituer des documents sonores et d'imageries si c'est possible.
Ce travail contribue à la sauvegarde du patrimoine culturel de notre continent, qui si l'on ne prend garde partira en fumée.
Nous vous demandons de prendre particulièrement en compte ou de veiller avec attention aux informations qui intéressent l'organisation de la société.

Dans certains pays, la vie communautaire est intense, et la relation par Internet peut apparaître superflue. On préfère traiter ses affaires dans la cour, aller au marché et rencontrer des amis, plutôt que de discuter sur Internet de problèmes abstraits avec des inconnus. Mais il est un domaine public où la vie de tous est engagée, qui ne se limite pa à la cour, ou au village : le champ politique. Or, c'est lui que permet d'investir Internet par la diffusion des idées et leur discussion.
Si l'on demande aux membres d'une communauté pourquoi ils vivent ensemble, ils répondent qu'ils partagent un certain nombre de valeurs communes.

La question se pose donc de savoir comment se produisent ces valeurs communes.

Quelles sont ces relations ou ces prestations, comme l'hospitalité, le partage ou la réciprocité, la fête ou le marché, qui produisent les valeurs de référence comme la responsabilité, l'amitié, la justice, pour une communauté donnée ?

Comme en Afrique les pratiques qui engendrent ces valeurs sont partout évidentes, il arrive que l'on ne se donne même pas la peine de les nommer, et il faut avoir recours à des exemples pour s'apercevoir que la production des valeurs communes exige en réalité des relations et des prestations spécifiques.
En les nommant, en les décrivant, on découvrira les structures de base, les "matrices" des valeurs fondamentales, identiques dans toutes les communautés africaines, et comment elles sont articulées les unes sur les autres de façon différente, car ce qui varie de communauté à communauté, ce ne sont pas les structures de base mais leur organisation.

La reconnaissance des structures de base apportera une assise solide à l'unité africaine, et celle de leurs modalités d'assemblage permettra d'apprécier la diversité des sociétés africaines.
Les équivalences qui assurent le passage d'une relation négative (de vengeance ou de guerre) à une relation positive (de mariage ou d'alliance) nous intéresseront particulièrement (les relations de parenté à plaisanterie, par exemple).

Aujourd'hui cependant, la mondialisation transforme les sociétés à tel point qu'il semble que même les structures de base disparaissent. Mais il se peut qu'elles soient seulement recouvertes. Nous proposons donc aux principaux témoins de décrire les structures de base de leur société en tenant compte de l'Histoire, c'est-à-dire en prenant les choses avant la colonisation, puis en décrivant leurs transformations pendant la colonisation, enfin en précisant quelles sont leurs perspectives pour après la fin de la colonisation.

 


Pour aider les personnes chargées de recueillir les informations données par les villages sur l'organisation passée et actuelle de la vie des villages, nous proposons quelques idées.

 

Les villages peuvent témoigner :

1) - des pratiques qui fondent leur "vie ensemble", c'est-à-dire comment on évite ou arrête la guerre, comment on produit la paix, comment sont répartis les différents moyens de production (terres, forêts, bétails), et quels sont les marchés, les fêtes, les célébrations coutumiers, et ce qu'ils impliquent comme investissements de chacun.
2) - des valeurs de référence qui sont les fruits de ces pratiques (comme l'honnêteté, la dignité, le prestige).
3) - des institutions qui donnent force de loi à ces valeurs de référence (initiations, cultes)

 

Ainsi, les villages pourraient dire quels sont les engagements mutuels (comme l'hospitalité) qui instaurent la vie publique.

Les villages pourraient définir les expressions, usuelles ou consacrées, qui disent l'enjeu éthique de chacune de ces relations, et le sens de chacune d'elle.
Par exemple, au Rwanda, les deux engagements sur lesquels reposait la nation avant la colonisation étaient l'ubuhaké et l'umuhana (la redistribution et le partage)
Dans son livre "Le geste Rwanda" (1978) Edouard Gasarabwe analyse le sens de l'umuhana de la façon suivante :
" umu : indicateur de classe
ha : donner
na : " et "... particule exprimant la réciprocité à la fin des verbes, l'association entre les termes indépendants. Le muhana comme le dit son nom, signifie donc : le partenaire, celui avec qui on échange des dons"

Gasarabwe précise aussi que l'umuhana crée un sentiment d'appartenance à une humanité commune, donc une identité collective, fondée sur la confiance mutuelle.

Les villages pourraient également indiquer quelle production matérielle est induite par le don d'hospitalité par exemple, ou par les invitations, les fêtes, les célébrations, les concours et luttes sportives.
Ils pourraient signifier ce que veulent dire ces marchés, fêtes et célébrations.

Enfin ils pourraient discuter de la jurisprudence coutumière dans les expressions de la Tradition orale (proverbes, contes, devinettes, chants, scénarios, jeux)

Comme la coutume est vécue de façon évidente pour tous, personne n'éprouve, aujourd'hui encore, la nécessité de la traduire par l'écrit, d'autant plus que la coutume est dite en des occasions particulières (les deuils par exemple ou l'initiation), ou bien réservée à des statuts particuliers : le griot, le masque)
De plus, les Occidentaux proposent de nouvelles références, qui paraissent objectives parce qu'elles viennent de l'extérieur. Et ils imposent leurs références comme si elles étaient supérieures à celles des Africains, quand ils ne tentent pas de disqualifier nos expressions africaines ou de les conformer à leurs vues. Pour enrayer ce processus hérité de la colonisation, nous suggérons
que les auteurs s'expriment dans la langue d'origine du village, et que, pour éviter les fausses traductions, toute notion théorique soit aussitôt assortie d'un exemple.

En résumé, nous souhaiterions que le site permette aux villages de s'exprimer comme des assemblées constituantes qui affirmeraient :

- leurs principes du vivre ensemble,
- leurs valeurs de référence,
- les institutions qui assurent l'épanouissement de ces valeurs,
-
les règles qui les protègent,
- les productions matérielles que motive l'épanouissement de ces valeurs
- et
comment sont distribués les moyens nécessaires à cette production.