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Débat

entre

CAURIS et GREDA

Groupe de Recherche et d'Expertise sur la Valorisation des Savoirs-Faire pour le Développement en Afrique.


du
24 Janvier 2003
Extraits

 

Jean Jacques MAGLOIRE BAZABANA :
Notre travail porte sur tout ce qui concerne la diversité des produits agro-alimentaires et dont les savoirs-faire sont encore individuels. On essaie d'accrocher ces savoirs-faire à la mondialisation. Nous (les Africains) avons des spécialités, nous avons des savoirs-faire, et ces savoirs nous servent en tant qu'individus mais ils sont aussi notre richesse commune, et cette richesse, si on veut vivre dans le monde qui arrive, et qui sera un monde cruel, il va falloir qu'on la revalorise y compris en faisant appel à d'autres savoirs, savoirs complémentaires parce que nous ne sommes pas seuls. C'est cela qui va nous permettre de vendre et échanger avec d'autres pays puisqu'on reçoit aussi des autres. Mais si on ne valorise pas nos ressources, nous ne pouvons rien recevoir non plus. C'est cela qui motive le GREDA.
Au sujet de la diversité des produits agro-alimentaires nous avons envie de voir comment les différents groupes ethniques on essayé de faire émerger des savoirs particulier et des produits au sein d'une grande région et de savoir comment certains de ces produits ont pu être commercialisés tandis que d'autres sont restés en marge du marché, ou en marge du commerce, et voir comment certains d'entre eux pourraient émerger à leur tour sur les marchés africains, en zone rurale, en zone urbaine, enfin sur le marché international. Quels sont les savoirs-faire qui permettent d'arriver sur le marché ?

Pour qu'ils soient commercialisés, il faut que le savoir qui est à leur base soit mis en valeur Ainsi, nous sommes amenés à nous intéresser à tout ce qui est organisation en entrepreneuriat en Afrique , à ce qui fait l'efficacité de l'entrepreneur africain et en particulier son organisation en " réseaux " d'entrepreneurs qui permet d'apporter une valeur ajoutée au niveau de l'entreprise ou une réduction de coûts de transaction.

Il nous faudra parler un peu de la théorie économique et la réflexion que vous poursuivez à ce sujet est pour nous intéressante. Nous avons essayé avec l'appui du CIRAD de voir comment les entreprises s'organisaient en Afrique, du moins avec les Africains, pour obtenir une certaine efficacité. Vous avez parlé par exemple d'une conférence sur les Mourides. Dans nos recherches nous avons touché la question des Mourides. Nous sommes allés jusqu'à Tumba pour voir comment sont organisés les Mourides. Et donc notre réflexion a une certaine proximité avec celle du CAURIS. Vous avez aussi parlé de la Réciprocité. On l'a beaucoup développée dans le cadre des réseaux. C'est quelque chose qui apparaît beaucoup dans l'organisation et le partenariat en Afrique. C'est effectivement une problématique qui nous intéresse parce qu'elle est au coeur de notre réflexion

Paul BOM KONDE : La Réciprocité , c'est le don /contre-don.

Sidy BARO N'DIAYE : C'est une conception de la Réciprocité, mais il y en a d'autres...

A. SECK : Est-ce que vous pouvez revenir un peu sur la méthodologie que vous avez utilisée ? Vous avez travaillé comment, sur le terrain par exemple ?

Magloire B. : Il y a eu d'abord la Thèse, basée sur l'Economie des Organisations ; sur le terrain, on a fait des enquêtes. La Thèse parle de la transformation du Manioc au Congo et de tout ce qui intéresse l'entrepreneuriat autour de ça ; il y a toute une organisation que nous avons étudiée : comment les gens sont organisés ; pourquoi ils sont efficaces au niveau de la concurrence On s'est rendu compte qu'il y avait un fonctionnement en réseau qui permettait de dégager un certain nombre de choses et qui apportait une valeur ajoutée au niveau de l'entreprise, en augmentant son efficacité. On a fait des enquêtes. J'ai passé pratiquement neuf mois au Congo,On travaillait en utilisant l'infrastructure de l'ORSTOM. Nous avons travaillé aussi au niveau des expertises commandées par l'Union EuropéenneOn a également travaillé au Sénégal en utilisant les réseaux de ENDA .

Abdou S. : Enfin, je pose la question parce queJe pense que la démarche du GREDA est différente quand même de celle de CAURIS. Entendons nous : en même temps que c'est différent, en même temps également il y a beaucoup de choses sur lesquelles je pense qu'il peut y avoiril y a beaucoup de convergences.
C'est différent, parce que, l'acception, la compréhension que j'ai de la vision de CAURIS, c'est précisément comment déconnecter l'Afrique de la mondialisation capitaliste parce que, la mondialisation tout court, ça ne veut rien dire - il faut parler de la mondialisation capitaliste - ; la mondialisation capitaliste est un système qui a besoin de l'Afrique dans sa situation actuelle. Mais ça, c'est mon point de vue personnel. Il peut ne pas être partagé. Je considère que la mondialisation, elle est capitaliste, et que le système capitaliste mondial, donc le système d'organisation des économies au plan international, fonctionne d'une manière qui ne peut permettre sa survie et sa continuité que dans la mesure où précisément il y a ces sortes de périphéries, que l'Afrique constitue d'une certaine manière. Et que donc, sous ce rapport-là - évidemment ce n'est pas une thèse vraiment nouvelle - mais toujours est-il que jusqu'à aujourd'hui, c'est ça qui se passe en Afrique -, sous ce rapport-là, des initiatives qui consistent justement à croire que parce qu'on introduit tel produit sur le marché, on peut s'en sortir Non ! je n'y crois pas vraiment. Je ne crois pas vraiment à ce genre de démarche-là.

Par contre, là où la démarche de GREVSDA m'intéresse et m'interpelle au plus haut point, c'est dans la façon dont elle donne la parole aux populations. Elle interroge la façon dont les populations tentent de survivre et de s'en sortir.

Mais là où je ne suis plus, c'est quand, maintenant, vous prenez l'ensemble de ces initiatives, là, pour voir comment on peut les raccorder au Marché International Mondial. C'est là où je ne vous suis plus.

Mais par contre ces formidables initiatives que vous arrivez à mettre à jour, si, par une démarche adéquate on les retourne à ces populations-là pour que précisément elles puissent se libérer du marché, et prendre en charge ses problèmes, les problèmes de santé, l'Education, les routesetc Donc, si à partir des travaux que vous avez faits, à partir de la connaissance, à partir de l'expertise dans un certain nombre de cas, vous pouvez conduire ces populations-là à se ré-approprier leurs savoirs-faire mais d'une façon qui les libère précisément des processus de marché qui les tue, cela m'intéresse.
Je ne sais pas si j'ai été très clair ou pas. Mais à la fois je pense qu'il y a une petite différence, Mais en même temps il y a des possibilités de coopération parce que simplement, ce que CAURIS cherche à faire apparaître c'est ce qui fait vivre l'Africain en dehors de son rapport au Marché Capitaliste Mondial. Comment arriver à travailler cela, à l'éclaircir, en en faisant une force beaucoup plus importante, pour qu'il soit davantage plus libre et davantage plus autonome, qu'il soit davantage plus maître de son destin. Voilà !

Pau B.K. : Si jamais on est vraiment en opposition, c'est bien qu'on en discute.

Sidy B.D. : Mais il faut voir tout le processus avant d'arriver à cette conclusion. Je cite de mémoire MAO : " Retourner clairement aux masses, ce qu'on a appris d'elles de façon obscure ". Tous les Africains voient comment le système capitaliste n'est pas le meilleur modèle qui soit, même si c'est le modèle dominant Malgré tout, en Afrique endogène, il y a eu des savoirs-faire qui ont été minorisés, occultés, opprimés, au point que nous-mêmes on ne s'y réfère plus aujourd'hui. La démarche de CAURIS quelque part c'est de dépoussiérer ou de déterrer ces savoirs enterrés, les mettre en valeur pour que les populations se les ré-approprient. C'est ce que vous avez tenté de faire d'une façon ou d'une autre. Bon ! je pense qu'on peut échanger là-dessus.

Pour autant, ça m'intéresse aussi de voir un peu les réponses dans le cadre effectivement de la Réciprocité, ce que proposait MARIAMun séminaire sur la Réciprocité, ça me paraît important. Tous, ici réunis, on n'a pas la même vision de Dominique sur la Réciprocité. Il serait bon qu'on discute là-dessus.

Mariam S. : Je trouve que cela pourra être intéressant, et qu'on pourra bien travailler ensemble avec vous. Nous avons parfois des éléments qui nous manquent. Ce sont des choses que nous cherchons dans les livres, alors que vous, vous avez déjà des expériences. C'est la même chose pour ce qu'on appelle le " secteur informel "alors que nous, dans ce cas, on se situe dans le " marché traditionnel "Vraiment on peut faire des choses ensemble, on peut faire des séminaires. Si nous avions une compréhension commune des choses alors nous pourrions être efficaces pour sortir l'Afrique de ses problèmes.

Aujourd'hui, c'est la mondialisation. C'est sûr que nous ne pouvons pas rester en dehors de la mondialisation, mais il faut savoir y aller en gardant notre souveraineté, en sachant vraiment que nous y allons avec ce qu'il nous faut comme respectà partir des connaissances de ce que nous avons déjà sur le terrain, de ce que nous avions, ce que nous pouvons valoriser, c'est à partir de tout cela que nous pourrons nous placer comme partenaires égaux

Dominique T. : j'ai l'impression que lorsque vous utilisez le mot " réseau " vous dites quelque chose qui a beaucoup d'importance pour l'avenir. Ce mot n'est pas très employé dans l'économie capitaliste, ou bien il est employé de manière péjorative parce qu'un réseau, ça veut dire quoi ? Un système dans l'ombre, un système maffieux, des circuits parallèles, des délits d'initiés ? Or, ce n'est pas dans ce sens-là bien entendu que vous l'utilisez. Le mot réseau dans votre discours, résonne comme " autre Marché ", comme alternative. C'est pour ça que dans nos études, nous essayons de sortir le Marché de son acception purement capitaliste. Nous mettons toujours un attribut au mot Marché. Si on parle du marché capitaliste, chaque fois, nous dirons le Marché Capitaliste pour laisser un terrain libre à d'autres conceptions du Marché, parce que jusqu'au moment où le Marché Capitaliste est né il y a trois siècles, il y avait quand même des Marchés dans le monde et tous les Marchés dans le monde ont continué à exister indépendamment du Marché Capitaliste, même s'ils sont actuellement dominés. Alors, quelles sont les lois de ce Marché ? Je pense que quand vous attaquez le problème du réseau, vous devez trouver, vous devez toucher des choses

Magloire B. : On touche beaucoup de choses, trop des chosesça demande beaucoup de courage.

Dominique T. : Et ces choses-là, elles ont des racines très profondes puisqu'elles plongent jusque là où se sont constituées les sociétés humaines. Elles font appel aux principes de constitution de ces sociétés humaines. Elles touchent des principes universels, elles touchent des structures fondamentales. Or, le système capitaliste est né il y a trois siècles à partir de situations extrêmement particulières de l'Europe et des USA à cette époque là, c'est-à-dire une configuration historique exclusive et vraiment particulière. Que ce système ait découvert des moyens, des pratiques qui lui ont donné la suprématie sur le monde à une vitesse fantastique et qu'il apporte à la société monde des bénéfices importants sur le plan matériel et sur le plan technique, et sur le plan scientifique, comme tout le monde je m'en félicite aussi. Mais est-ce qu'on doit réduire l'ambition de l'humanité à l'obtention de ces avantages-là ? Est-ce que les autres Marchés n'offrent pas à leur tour des avantages qui peuvent être aussi développés ? Notamment à travers ces fameuses relations (parce qu'il n'y a pas de réseaux sans relations), relations qu'on ne va pas ici qualifier pour le momentpuisque vous les dites, en réseau.
Je ne sais pas s'il faut parler de la Réciprocité de façon théorique car dans chaque région d'Afrique il y a de multiples formes de réciprocité qui chacune a un nom et qui chacune contribue à créer des valeurs. Peut-être faudrait-il travailler avec les uns ou les autres pour reconnaître d'abord ces différentes relations de réciprocité.

Abdou S. : ça se complique ! La Réciprocité, chacun de nous l'entend, mais entend quoi ? qu'il y a des sociétés égalitaires et solidaires en Afrique et des sociétés individualistes ici ? Des communautés en Afrique et des individus ici ? La Réciprocité, c'est une notion de " dû " à ses frères ? Mais ce type de réciprocité n'intéresse pas certaines gens qui, au contraire, en font un moyen pour consolider leurs intérêts privés. Je suis désolé, mais en Afrique il y a des réseaux maffieux à l'intérieur desquels on pratique une forme de réciprocité. Il faut, je pense, faire la différence de ces deux types de réciprocité quitte à trouver d'autres mots. Il y a de nombreux problèmes d'insertion, liés à des questions de prise de participation à des réseaux au niveau familial ou au niveau religieux ou au niveau du terroir, qui peuvent contrecarrer des projets à l'échelle de la nation, et certains peuvent défendre des projets de solidarité qui peuvent intervenir les uns plus les autres moins avec les projets nationaux et certains peuvent dire que le seul réseau qui vaille est à l'échelle de la nation et pour d'autres la référence sera celle de sa culture ou de son terroir.

Mais un travail de terrain sera toujours intéressant parce que à chaque fois que l'on prend connaissance d'une expertise on peut faire un parallèle avec d'autres expériences. Chaque fois que quelqu'un parle au Cauris de son pays ou de quoique ce soit, immédiatement il y a quelque chose qui se construit comme un pont qui peut être établi avec quelque chose qu'on connaît ou qu'on croit savoir que ça existe dans sa société. Et c'est cela qui est intéressant, le fait qu'on puisse généraliser.

Sidy B.D.: Pour dire quoi ?

Abdou S.: Qu'il faut choisir ! Ou on s'inscrit dans une logique, une théorie, une spéculation intellectuelleou non. Or, ça, ça n'intéresse pas forcément tout le monde, et même ceux que ça intéresse, ils peuvent être rapidement fatigués ; et après, il y a un niveau beaucoup plus empirique, beaucoup plus pratique qu'on constate tous les jours
Ou on se focalise sur ces questions-làen ayant du mot Réciprocité quelque notion très simple qui renverrait à des comportements, des conduites, des attitudes, des opinions;
Ou alors on rentre dans des considérations d'érudition mais même dans l'anthropologie moderne, cette notion de Réciprocité-là, les étudiants ne la voient pas, parce que le seul théoricien c'est Mauss, encore que les étudiants n'en lisent que des extraits et que son travail est tombé à un niveau où seules des minorités s'intéressent à cette question-là

Sidy B.D.: C'est fait à dessein

Abdou S. : peut-être !

Sidy B.D. : Quelque part, la Réciprocité ne sert pas fondamentalement le capitalismeLes universités relèvent de la superstructure...

Mariam S. : On peut choisir certains aspects. Par la Réciprocité, on peut étudier le problème de la Dette Il y a des aspects pratiques quand même qu'on peut résoudre à partir de la Réciprocitéou les problèmes de conflits Le Marché, par exempleCe sont des questions qu'à partir de la Réciprocité on peut étudier, surtout que, nous, nous cherchons comment trouver une solution à nos problèmes Africains.

Abdou S. : Le problème encore une fois, c'est de partir de problèmes concrets C'est ça qui fait l'aspect politique de CAURIS, c'est, comment amener les populations en Afrique qui sont confrontées à des difficultés importantes à envisager des solutions qui ne soient pas...nécessairementdes solutions qui ne peuvent que venir de leurs connexions avec l'Economie Mondiale, ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas de ce qui vient de l'industrie, mais développer des alternatives.

Dominique T.: La ré-appropriation dont tu parles, elle fait appel à des choses qui ont été marginalisées, voire exclues par le système capitaliste parce que, justement contradictoires du système capitaliste. Donc, elles sont effacées, submergées, on n'en parle pas, mais si on en parle, pourquoi ne pas en parler avec le langage de ceux qui en sont les auteurs ? A la limite, pourquoi employer le mot Réciprocité puisque chacun en Afrique a une terminologie qui distingue non seulement la Réciprocité mais toutes les formes, toutes les structures, tous les modes, et que chacun peut enrichir la spéculation théorique. Il ne s'agit pas d'une une contradiction entre un discours spéculatif et puis une sorte de pratique qui permettrait de reconnaître les données spéculatives dans le milieu dans lequel on vit.
A partir de la discussion de terrain, on extrait une théorie qui appartient à ceux qui sont sur le terrain. Mon souci en quelque sorte ce n'est pas de faire une théorie occidentale sur la Réciprocité alors qu'elle appartient aux non-occidentaux, mais d'accorder la réflexion théorique avec le langage qui lui est approprié, et on a besoin de ce langage pour s'opposer à la terminologie que les capitalistes emploient pour tout désigner dans leur propre idéologie, dans leur propre langage, parce qu'à partir de ce moment-là évidemment ils récupèrent tout, ils détruisent ce dont ils n'ont pas besoin, en particulier toutes les valeurs humaines qui sont créées par la relation de type " réseau ", qui peut être, tu l'as très bien dit, maffieuse ou pas mais si elle est maffieuse, c'est par détournement.

Abdou. S. : Le problème de fond. Dominique ! Souvent j'ai l'impression que dans ton développement, il y a une conscience de l'opposition et du conflit entre le système Capitaliste et les solutions Alternatives. Je ne suis pas très sûr que sur le terrain ça se passe comme ça. Très probablement, dans les villages ou dans les coins où les gens essayent de faire des transactions en écartant le plus possible la monnaie, je suis persuadé que c'est dans des contextes où les gens n'ont vraiment pas accès à la monnaie et je ne suis pas sûr qu'ils ne préfèreraient pas précisément être bien intégrés et bien connectés au réseau d'Echange monétaire parce que précisément les Réseaux d'Echange monétaire apportent des choses qui, à leurs yeux sont très importantes et très intéressantesles gens ont intériorisé des regards, des jugements sur leur propre environnement, sur leur propre histoire qui les dévalorisent en même temps que les revenus monétaires leur donnent accès à des choses intéressantes Ces espaces-là non-monétaires, je ne crois pas qu'il faille les considérer comme des espaces libérés comme tu dis, c'est plutôt des espaces contraints.

Dominique T. : Cela mérite la discussion. Je modifierais seulement un point sur ce que tu as dit : je ne suis pas partisan des systèmes de gratuité comme tu l'imagines là. Au contraire, je revendique deux choses, que le Marché ne soit pas défini comme Capitaliste, car il existe un Marché de Réciprocité, c'est-à-dire un Marché qui se situe entre les uns et les autres, on peut l'appeler Traditionnel si vous voulez (le mot Traditionnel semble vouloir dire que c'est un Marché révolu, et ça ne me plait pas pour ça), je préfère dire Marché de Réciprocité contre Marché de Profit ; et de la même façon, je revendique la Monnaie. Je ne crois pas que l'utilisation de la monnaie soit destinée exclusivement à l'accumulation de profit. La Monnaie va servir sur le Marché Africain, que ce soient des cauris, des noix de cola ou des francs ou des dollars, elle va avoir des fonctions qui sont d'ouvrir le Marché, c'est-à-dire la Réciprocité, à des partenaires qui ne sont pas là, qui ne sont pas présents. La Monnaie va donc être un intermédiaire qui va leur permettre d'attendre ou de relayer une prestation pour qu'elle s'accomplisse. Je revendique non seulement le Marché, mais la Monnaie, dans des perspectives qui ne soient pas maîtrisées exclusivement par le Profit Mais il y a des endroits, où seule la gratuité existe, et où les gens aimeraient bien avoir, comme tu le dis, d'autres possibilités que la seule réciprocité immédiate, où ils aimeraient s'affranchir de l'obligation de consommer ce que le voisinage produit pour s'offrir des produits étrangers grâce aux échanges et à la valeur d'échange. Cela est très vrai.
Mais il y a aussi des espaces de gratuité qui sont des espaces nouveaux et qui ont été libérés, par le prolétariat par exemple, les congés payés, etc., qui sont des espaces repris pour des activités ludiques, des activités de travail non aliéné dans le profit, qui sont quand même une perspective d'avenir, surtout si, comme le dit Marx, la Machine doit remplacer le travail aliéné humain

Abdou S. : C'est par ce bout-là justement qu'on veut éviter d'avoir le discours sur la Réciprocité et qu'on peut produire directement un discours de Réciprocité, par ce que le discours sur la Réciprocité, ça va ennuyer à coup sûr, alors que en essayant de montrer que autre chose est possible en montrant qu'il y a les deux possibilités de penser ce qu'est le Marché ou toute autre sorte de transactions humaines, les uns et les autres en fonction de leurs expériences vont mettre à jour des éléments qui sont importants et qui vont construire le matériau même, chemin faisant de la Réciprocité en Afrique.

 

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