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Economie politique africaine

   
         

 sommaire

INTRODUCTION

I / LE MARCHE EN TANT QU'ESPACE DE SOCIALISATION

Le marché est un lieu pour tous

Le marché est un cadre de convivialité

Le marché est aussi le reflet de l'ordre social

Le marché est symbole de puissance et de prospérité du pays.

Le marché en tant que lieu de mise en pratique de la culture locale

 

II / LES FONCTIONS SOCIO-CULTURELLES DU MARCHE

La fonction économique

La fonction communicative

La fonction politique

La fonction judiciaire.

La fonction religieuse et philosophique.

La fonction esthétique et artistique.

 

III QUESTIONS et REPONSES

 

 

J. P. GUINGANE

 

LE MARCHE AFRICAIN

COMME

ESPACE DE COMMUNICATION

Place et fonction socio-culturelles du Marché Africain

 

 

CONFERENCE - DEBAT

Lundi 7 Mai 2001

Au CENTRE LACORDAIRE, Rue des Augustins, MONTPELLIER
(FRANCE)

 

 

   
   

 INTRODUCTION

   
   

Je voulais commencer cet entretien par quelques observations.

La première, c'est pour vous dire que les réflexions et les richesses dont je vais faire état ici aujourd'hui sont à leur début. Le sujet du marché traditionnel m'a toujours fasciné en tant qu'objet d'étude. Mais, honnêtement, je n'ai pas encore eu la possibilité de lui consacrer le temps qu'il faudrait pour cerner totalement ce sujet. Si je suis aujourd'hui ici, c'est donc pour partager quelques pistes de réflexion afin que, avec le débat qui j'espère s'ensuivra, vous m'aidiez à faire un pas de plus dans cette recherche.

Je voudrais aussi ajouter que je ne pourrai pas vous fournir une bibliographie sur les aspects socioculturels du marché. Tous les auteurs que j'ai essayé de consulter s'attachaient beaucoup plus à développer le volet économique qui, vous le verrez, m'intéresse moins ici. Ce n'est pas ce qu'on fait comme "affaires" au marché qui m'intéresse, je vous le dirai tout à l'heure. Donc, si par hasard dans l'auditoire il y a des gens qui pourraient me donner des références sur cet aspect, purement socioculturel du marché, je suis le premier intéressé. Donc, vous voyez que je suis, avant d'être donneur, demandeur.

L'essentiel de ce dont je vais tenter de vous convaincre est tiré d'entretiens avec des personnes-ressources sur le terrain, notamment des chefs traditionnels, des chefs de marché, des personnes âgées ...etc... Et je fais ce travail-là en collaboration avec des collègues que je dois citer, même s'ils sont à 6000 Km d'ici. J'ai été maître de Recherche et je me suis désigné des collaborateurs. Je me dois, je crois, l'honnêteté de les citer puisqu'une partie de ce que je vais dire aussi provient d'eux : il s'agit d'un jeune collègue, SIRIL KONE. Il s'agit aussi de ? Il s'agit d' ? ZONGO qui est journaliste de métier, qui est aujourd'hui le Directeur Général de la Radio Télévision Diffusion du BURKINA. Enfin il s'agit de Madame ALCHATAMBOURA qui est universitaire, qui a travaillé avec moi dans cette recherche-là.

Nous avons fourni une étude plus complète où il y avait le Marché, le Théâtre d'Intervention Sociale, mais aussi la Radio Communautaire. Mais c'est le volet Marché, puisque c'est moi qui l'avais proposé, parce que, comme je vous expliquerai, depuis l'enfance, je suis fasciné, donc je me suis beaucoup plus investi sur ce point là.

La dernière observation que je vais faire, c'est que le caractère économique du marché parait évident à tout le monde, je crois que c'est le sujet sur lequel je ne m'étendrai pas. On va au marché pour acheter ou vendre et je voudrais occulter cet aspect ici pour m'intéresser à l'aspect socioculturel souvent ignoré. Dans nos villages, ça, je peux l'affirmer, on va plus souvent au marché qu'on ne croit, sans intention ni de vendre, ni d'acheter. Alors, pourquoi est-ce qu'on va là ? Moi, c'est ça qui m'intéresse.

Depuis la nuit des temps, la vie communautaire a été construite sur des échanges. L'individu a des besoins qu'il ne peut, à lui seul satisfaire. Il lui faut l'apport d'autrui pour son épanouissement, c'est ce qui explique que la nécessité de communiquer, donc d'apprendre une langue qui servira à négocier ses intérêts, soit aussi fort chez l'homme dès sa naissance. En schématisant, on peut dire que le bébé qui naît instaure déjà un contrat de ce type avec sa mère "chaque fois que je crie, tu m'offres du lait de ton sein". Le contrat, donc pleurs contre lait, est établi dès le départ.
Plus tard, d'une manière beaucoup plus organisée, le contrat sera vers le voisin et pourrait être de ce type: "j'épouse ta soeur et tu épouses ma soeur". C'est ce qui fait que partout on considère qu'épouser sa soeur, c'est un inceste, et ce n'est pas bien. Pourquoi ? Parce que ça ne va pas dans le sens de l'intérêt d'autrui. Donc, si nous signons ce contrat et que toi, tu épouses ta soeur, là, tu fausses le jeu. Il vaut mieux contourner le terme qui bannisse ça pour que le jeu s'opère correctement. Je crois qu'on peut expliquer un certain nombre de comportements comme ça dans l'histoire, qui s'explique en fait par le besoin de l'échange. Donc l'échange sous forme de contrat plus ou moins (rigide ?) est là le commencement de toute chose, c'est en filigrane le marché.

Ici, (en France) le marché, traditionnel ou pas, dans les propos qui vont suivre, est le lieu où s'effectuent les échanges: une place publique affectée à la vente, à l'achat des biens de consommation ou aux échanges de toutes sortes : la fonction économique du marché prime sur tout. Le rassemblement d'hommes et de femmes tire sa première justification de transactions. C'est ce que tout le monde perçoit.

Cependant le marché, partout ailleurs, occupe une place particulière et remplit des fonctions qu'aucune autre institution n'a pu encore remplir. C'est ce qui explique que même dans les pays dits développés, où pullulent les hypermarchés (je crois que nous sommes bien dans le contexte), il existe encore des marchés de quartier qui se tiennent régulièrement aux frontières.

Au Burkina Faso, le marché est très souvent le coeur et le poumon du village ou de la région. Et malgré l'urbanisation galopante de nos villes, chaque quartier dispose encore de son marché. Une fermeture éventuelle des magasins ne pénaliserait qu'une minorité de la population, tant que les marchés resteront ouverts. Il y a donc dans le phénomène du marché quelque chose qui dépasse les considérations purement économiques. Le marché occupe une place et remplit les fonctions socioculturelles qui font que, depuis des siècles, il continue d'être une institution majeure dans la vie de la communauté.

Quelle est cette place ? Et quelles sont ces fonctions ?
Je voudrais aborder donc cet exposé sur deux points:
- D'abord le marché en tant qu'espace de socialisation
- Ensuite nous verrons les différents types de fonctions socioculturelles que je proposerai à votre réflexion.

 

   
   

I / LE MARCHE EN TANT QU'ESPACE DE SOCIALISATION

1er point: le marché est un lieu pour tous

Le marché est, par définition, un haut lieu de rassemblement lui-même. Quand, chez les Bissa on vous réplique par cette phrase Bissa (je suis Bissa pour ceux qui ne le savent pas). Donc, quand chez nous, dans mon ethnie, on dit que " c'est le marché " ! Et que tu réponds "qu' il y a du monde ! "... Pour vous reprocher de ne pas voir l'évidence, on dit "c'est le marché ! ". Quand tu dis : "il y a du monde ! " (ce qu'on te répond), ça veut dire : "Mais c'est évident" . Voilà, c'est la même chose. Donc le marché, c'est le monde. Donc, il vise à briser la solitude, signe d'une asociabilité, et à donner à chaque individu la possibilité de nouer les contacts les plus divers avec les autres membres de la communauté. C'est donc surtout un espace de communication intense où chacun peut assumer, au contact des autres, la plénitude de son humanité, parce que tout seul, on se déshumanise. Ce n'est qu'au contact des autres qu'on s'épanouit, qu'on épanouit son humanité.

Il n'y a pas d'exclusion au marché, et ça, c'est très important. La première qualité dans le sens de la socialisation est d'être un lieu ouvert à tous, sans exception. Vieux ou jeunes, hommes ou femmes, adultes ou enfants ont leur place au marché. Même les malades. A tel point que les marchés sont en Afrique, souvent les seuls domiciles des malades mentaux. Si vous allez vous promener, vous verrez que tous les fous sont au marché. Et quand ( ? ) on voit un fou qui traîne dans le quartier, on dit : "Tu fais quoi ici ? Va au marché". C'est le lieu de tout le monde.

L'organisation spatiale du marché prend en compte la représentativité de tous les villages environnant parce qu'il est un bien commun. Si vous cherchez un homme ou une femme dans un marché traditionnel, il vous suffit de savoir de quel village il vient parce qu'on vous indiquera dans le marché de quel côté se trouvent les gens de ce village. Et à ce moment, vous allez là et vous le retrouvez.

C'est aussi parce que le marché constitue le point de convergence des regards des membres de la communauté dans son ensemble que, dans certaines régions, il remplit les fonctions spécifiques : lieu d'intronisation de certains responsables sociaux, publication d'actes de mariage et de décès...etc... parce que, dès que quelque chose est proféré au marché, nous le verrons plus tard, c'est comme le journal officiel. Personne n'a le droit de dire "je l'ignore". "On a dit ça au marché", donc tout le monde est supposé être au courant .
Enfin son attrait et son intérêt viennent aussi de sa grande ouverture. Lorsque j'ai un beau boubou et que je veux me faire admirer de tous, il n'y a pas de lieu plus idéal que le marché. A l'inverse, lorsqu'en pays Gourmanché par exemple, on promène le voleur pris en flagrant délit de vol, son butin sur la tête au marché, on est conscient qu'il n'y a pas plus cruel châtiment. Donc, c'est vraiment ça ( ??  ) on va aussi pour être sanctionné quand on vient malgré soi.

La présence physique, massive, constitue le premier point de la socialisation parce qu'il est évident qu'en tant qu'êtres humains, ces personnes ne peuvent se retrouver sans communiquer. Donc, vous voyez le premier point, ce qui me parait essentiel, c'est celui-ci : le marché, c'est le lieu pour tous et il n'y a pas d'exclusion, et ça c'est important.

 

Le 2 ème point: le marché est un cadre de convivialité

On peut aller au marché sans avoir quoique ce soit à acheter ou à vendre. On y va pour parler aux autres, échanger. Une des premières denrée ou marchandise du marché est la parole. Cette parole qui crée, conforte dans sa situation sociale, crée la chaleur humaine et donne envie d'être avec les autres, donne envie de vivre.
L'exemple de l'Europe est édifiant à ce niveau. Bien qu'il existe des supermarchés et des hypermarchés où les choses coûtent moins cher, les boutiques des quartiers et les marchés traditionnels continuent d'exister. Les grands magasins sont, certes, moins chers, mais ils consacrent le règne de l'écriture, de la froide écriture. Tous les prix sont marqués sur les produits. Personne n'est là pour vous donner une information, c'est-à-dire personne n'est là pour vous parler, pour prendre sur son temps et vous parler. Dans ce cas on préfère aller chez son boutiquier du quartier, payer le prix fort et, en contre partie, avoir sa part de causerie, de parole amicale. Et vous savez que sur les petits marchés, quand vous achetez tous les vendredis à ce marché, et que vous faites 2 vendredis sans venir, quand vous venez : "alors? ça n'allait pas ?" " Vous avez voyagé?" " ( ? ) parole. Et c'est ça qui attire, je crois, les gens et qui fait le succès des marchés de quartier.
Au supermarché on est un pion payeur, on n'existe pas en tant qu'individu. Au marché ou dans la boutique du quartier, on connaît le vendeur, il vous connaît, et quand il fait longtemps sans vous voir, il s'inquiète pour vous. C'est ça qu'on paye plus cher et on est content de payer parce qu'on existe, pour lui, dans sa conscience. C'est ce que beaucoup de gens recherchent en allant au marché traditionnel du village; si vous faites longtemps sans aller au marché, vos amis vont chercher à savoir si vous êtes malade ou en voyage. A travers le marché vous testez votre existence sociale. Vous attestez par votre présence au marché votre existence. Et nous verrons que dans certaines ethnies, quand vous mourez, on vient faire une cérémonie au marché pour dire "vous êtes sorti". C'est peut-être parce que le marché se confond avec la vie. Donc, quand vous y allez, vous testez votre existence mais en même temps vous affirmez que vous êtes encore vivant. C'est le lieu où l'on vit parce que c'est le lieu où tout le monde voit tout le monde.

Les échanges du marché dépassent, pour certaines catégories de personnes, la simple convivialité. Pour les gens en quête de conjoint, le marché est une grande agence matrimoniale. Souvent le marché ne bat son plein qu'à certaines heures : 13 h -14 H. C'est le moment où jeunes gens et jeunes filles sont les plus nombreux. Les espaces de vente de dolo, c'est la bière de mil, ou de noix de cola sont pris d'assaut, non pas parce qu'on a particulièrement soif ou envie de croquer la cola, la noix de cola, mais parce que ces zones sont des lieux de rendez-vous amoureux.
Pour qu'il n'y ait pas d'erreurs fâcheuses, dans certains groupes ethniques comme chez moi, chez les Bissa par exemple, l'art vestimentaire permet de distinguer la jeune fille, la (Numbouéré ?), de la femme mariée, divorcée, à la recherche d'un autre mari, (Sesoungerma ?) , de la femme mariée, qui est ( Lo ?) . Donc, quand vous voyez la manière dont elles sont sapées, immédiatement vous voyez vers où vous devez aller, en fonction de vos besoins. Mais si on vous prend en train de faire la cour à la femme de quelqu'un, vous ne pouvez pas dire que c'est par erreur, puisque vous voyez bien qu'elle est habillée en dame. Il n'y a pas de confusion possible. Mais ceci dit, je ne suis pas en train de dire que le marché est un lieu de libertinage et je voudrais aussi rappeler que dans la plupart de nos ethnies, dans le marché, une des choses les plus interdites c'est l'adultère. Ca, c'est interdit. Si on vous prend en train d'avoir des relations sexuelles en pleine ( ? ), alors c'est des châtiments terribles, dans la plupart de nos ethnies.
Donc, vous voyez que c'est à la fois ouvert, mais maîtrisé. Il y a des règles, nous le verrons plus tard. Dans ce deuxième point, je tenais bien à le rappeler. Le marché est donc un espace de convivialité qui peut aller jusqu'à la superconvivialité comme j'ai essayé de vous le montrer.

 

Le 3 ème point que je voudrais noter, c'est que le marché est aussi le reflet de l'ordre social

Le marché constitue presque partout le plus grand lieu de rassemblement pour la défense d'intérêts particuliers. Cependant, malgré l'âpreté des discussions qui peuvent s'y dérouler, le marché est un monde réglementé, civilisé, car chacun y transplante sa bonne éducation et son sens du respect de l'autre. Nous avons souligné combien le marché était par excellence un lieu de démonstration et de convivialité. Chacun va s'y montrer sous l'angle sous lequel il souhaite être perçu par la communauté.

Dans les villages, les codes étaient relativement simples. Les beaux habits témoignaient de la richesse ou du rang social, les costumes amarrés de gri-gri, de la puissance occulte...etc... Les jeunes filles, pour attirer les regards sur leur beauté ne négligent pas, le jour du marché, leur maquillage, et surtout arborent tous les gestes de la bonne éducation: génuflexion pour saluer les hommes, yeux baissés lors de certaines conversations, parce que, pendant que vous faites ça, quelqu'un qui vous observe , et qui dit "vraiment, Pcht ! c'est un bijoux ! elle a toutes les qualités". Donc, vous ne savez pas qui vous regarde, donc vous faites attention. C'est là que vous montrez si vous avez reçu à la maison une bonne éducation.

Le marché transplante et concentre l'ordre social avec, cependant, une réglementation spéciale qui accentue les interdits sociaux ordinaires. En pays Moaga, donc chez les Mossi, sont formellement interdits au marché l'adultère, la bagarre, le vol, la criminalité, c'est-à-dire qu'on ne peut pas tuer quelqu'un au marché. Le sang ne doit pas être versé au marché. Pourtant les gens boivent, ils se saoulent, mais, ça, il y a des choses qu'on ne fait pas. Et le chef du marché est chargé du respect de toutes ces règles et rend compte au chef du village.
Chaque fois que cela se justifie socialement, le marché peut être perturbé, déplacé ou supprimé. C'est là que le marché est vraiment le reflet de l'ordre social. Par exemple, chez les Mossi, on apprend la mort du Naaba, c'est-à-dire du roi du coin, le chef du coin, par le pillage du marché, parce que quand on voit des gens quitter le palais, ils viennent, ils renversent tout, ils ramassent tout....c'est le pillage, et ça signifie symboliquement "vous voyez, quand un pays n'a pas de chef, il ne peut être qu'un pays de désordre". C'est ça qu'on a voulu signifier. Donc on pille pour signifier ça. Tout le temps que le chef n'a pas été trouvé, qu'on n'a pas encore élu un autre chef, le marché ne peut plus se tenir sur son site. Vous pouvez aller quelque part, vous voyez les hangars du marché. Et puis le marché se tient à côté. Pour quelqu'un qui connaît les règles, ça veut dire "ce pays, le trône est vacant; on n'a pas encore trouvé de chef, donc le marché est hors du marché". C'est là que je dis que l'organisation du marché est le reflet, aussi souvent, de (l'ordre social). Parfois le marché peut être supprimé, mais c'est plus compliqué. Parce que, pour l'installer, il y a des fétiches, il y a des cérémonies qu'on fait, donc pour le supprimer aussi, ça impose un certain rituel.


4 ème élément que je voudrais souligner, c'est que le marché est symbole de puissance et de prospérité du pays.

C'est évident. La capacité de mobilisation des marchés traduit la puissance des autorités locales et la prospérité de la région. Le marché n'attire que s'il est bien géré et si les gens y trouvent la sécurité pour eux-mêmes et leurs biens. Cela signifie que derrière chaque marché il y a une autorité dont la puissance est proportionnelle souvent à la taille du marché. Souvent, cependant, la notoriété du marché peut dépasser celle du pouvoir local et même favoriser celui-ci; c'est le cas des marchés régionaux ou internationaux qui obligent leurs "propriétaires", du marché, à une certaine diplomatie vis à vis des pouvoirs voisins. Il y a des marchés par exemple, comme POUTYENGA qui ont toujours été depuis des siècles, des marchés internationaux. Mais les gens de POUTYENGA sont obligés de s'entendre avec toutes les villes environnantes parce que la capacité de ce marché dépasse l'envergure même de la ville.

Le marché est aussi symbole de prospérité puisqu'il est l'indice économique le plus visible. Le nombre et la qualité du public qui fréquente le marché traduisent la variété et la qualité des produits mis en vente, mais signifie aussi le plaisir qu'on y prend. Par exemple, des jeunes gens peuvent marcher 20 à 30 Km pour aller à un marché réputé être fréquenté par de nombreuses jeunes filles. S'ils viennent, c'est qu'ils trouvent ce qu'ils veulent et ça, ça augmente un peu la qualité ou la ( ? ) du marché. Cependant, on ne contribue à faire le succès d'un marché que si on le fréquente et si on adhère à la vision du monde de ceux qui l'organisent parce que, si vous allez trouver des règles bizarres, contraignantes... etc... il est évident que vous ne reviendrez pas une 2ème fois. C'est pour cela que je voudrais évoquer un 5ème point.

5 ) Le marché en tant que lieu de mise en pratique de la culture locale

En somme, tout ce que nous venons de dire montre que le marché n'est rien d'autre que la mise en pratique des valeurs culturelles de ceux qui l'organisent. Le marché est édifié sur la base d'une vision du monde donnée. C'est pour ça que je disais tout à l'heure que, quand on installe un marché, il y a un sacrifice qui se fait. C'est aussi......le sacrifice est une croyance, une adhésion.....On croit qu'il y a des forces qui gèrent tout ce monde, qui font qu'il n'y aura pas de bagarres, etc.....Mais ce n'est pas tout. La détermination de la fréquence du marché ne se fait pas au hasard. Dans certains coins, le marché se tient tous les 3 jours. Dans d'autres, ça se tient tous les 5 jours. Dans d'autres, c'est tous les 7 jours. C'est pas un hasard, ça correspond à la vision du monde de la localité.
Et puis les réglementations sont fonction des croyances ou de ce que souhaitent les gens sur place. Le comportement des individus doit donc être conforme aux normes locales, et l'étranger doit les connaître s'il ne veut pas se créer des ennuis. Par exemple, si vous allez dans un marché de pays Mossi, chez les Mossi, les femmes sont toujours au milieu du marché. Ils ont créé cette tradition du temps où on volait les femmes. Et donc si vous, vous avez votre soeur qui est mariée dans un village, et que vous voulez voir votre soeur au marché, il faut trouver quelqu'un du village à qui vous dites : "je voudrais voir ma soeur qui est de votre village". Et cette personne vous accompagne au centre du marché pour aller lui parler, et dès qu'il vous met en contact il peut partir. Tout le monde a vu que c'est son frère. Mais si vous arrivez directement, vous foncez au marché "je sais où ma soeur va !". On voit cet étranger qui vient, qui parle à une de nos femmes, peut-être qu'on risque de ne pas vous donner le temps de vous expliquer ! C'est là que c'est grave ! Parce que vous ne connaissez pas les règles. Donc voilà pourquoi j'ai dit que chaque marché a ses règles de fonctionnement et que quand un étranger vient, il se renseigne ! avant d'agir !

Les produits vendus ou achetés sont en grande majorité ceux de l'environnement local, dont la richesse peut être évaluée à la variété et à la qualité de ses produits. Le marché est aussi évidemment tributaire de l'organisation sociale et de l'histoire politique de la région.

Ainsi que nous venons de le montrer, le marché est un espace de socialisation, une scène où d'une part chaque membre de la communauté vient faire valoir aux yeux des autres sa bonne assimilation des règles du jeu social. Et d'autre part, collectivement, tous les membres de la communauté viennent faire la preuve de l'efficacité de leur système social capable de générer la prospérité et le bonheur individuel et collectif.

En cela, je crois que c'est une des plus grandes manifestations sociales qu'il nous est donné d'avoir. C'est la raison pour laquelle notre conviction s'est faite que le marché, au delà de son caractère purement économique, peut être un des observatoires privilégiés de la vie culturelle d'une communauté dans sa dynamique transformationnelle. Car, outre ce que nous venons de montrer, le marché traditionnel a des fonctions précises dont certaines s'adaptent à l'évolution du temps. Et je voudrais passer à la 2ème partie de mon exposé.

 

II / LES FONCTIONS SOCIO-CULTURELLES DU MARCHE

En raison du besoin très enraciné chez l'homme de communiquer et d'échanger, le marché est une des plus vieilles institutions de la société africaine. Même chez les peuples qui, comme les LOBI semblent avoir rejeté une forme hiérarchisée d'organisation politique, le marché a existé et le troc (où les cauris ont servi de moyen d'échange), a existé dès la constitution des premières communautés.
Dans le MOAGA, c'est-à-dire dans le pays des MOSSI, on ne sait pas exactement quand le premier marché a été institué. Certains le font remonter au règne de Naaba (Zombré ?) qui a régné de 1681 à 1744, dont la mère aurait été l'initiatrice du 1er marché. Il semblerait que les gens venaient voir son fils parce qu'il avait des audiences, et elle a eu pitié de tous ces gens qui étaient assis, qui, pendant des jours parfois, n'avaient pas à manger. Elle a demandé l'autorisation à son fils de faire des galettes pour que les gens qui sont là puissent manger. Et d'autres ont certainement eu l'idée de faire du dolo...etc... et finalement voilà le premier marché qui a été créé. Et la ville de ( ?) aujourd'hui semble avoir été le lieu où le 1er marché du pays MOAGA s'est installé. A tel point que c'est ça qui a donné son nom à la ville. ZINIARE veut dire "du jamais vu". Et donc, quand les autres MOSSI venaient voir qu'on vendait, on échangeait des galettes contre autre chose, ils disaient "on a jamais vu ça". A force de dire "on a jamais vu", ils ont fini par donner le nom au coin de "jamais vu". Donc ZINIARE qui est aujourd'hui la capitale de la province du (? ) ça veut dire "jamais vu". Et c'est le marché que la mère du roi aurait créé qui lui aurait donné son nom.
D'autres pensent que le marché a existé à OUAGADOUGOU bien avant l'arrivée et la structuration du pouvoir MOAGA. Naaba (Ndoubri ? ) par exemple, qui a régné de 1495 à 1518, gamin, serait venu à des marchés situés dans la zone du ( ? ) actuel organisé par les habitants de DASASGO. Pour ceux qui sont venus à OUAGA, DASASGO, c'est là où l'espace culturel GAMBIDI se trouve, et DASASGO signifie littéralement percepteur du marché. Et quand on demande aux vieux de ce quartier, comment ils sont arrivés là, ils disent que eux étaient des génies qui descendaient de temps en temps le long de fils pour regarder les hommes. Et un jour, alors qu'ils étaient en train de regarder, il y a un malin type qui a coupé le fil. Ils n'ont pas pu remonter dans leur ciel des génies. Ils sont donc allés voir le chef du coin ; ils ont dit : "bon! nous sommes vos hôtes forcés puisqu'on ne peut plus remonter". Seulement ils avaient une qualité, ils mangeaient beaucoup. Au bout de 2 ou 3 jours, le chef s'est fatigué de nourrir ces gens qui n'arrêtaient pas de manger, et il a fini par leur dire : "allez au marché et vous enlevez tout ce que vous voulez". C'est comme ça que ce village qui est devenu donc un quartier s'appelle DASASGO. Et traditionnellement si les chefs, si tous ( ? ) de DASASGO se mettent à piller les marchés, je crois que ça va créer problème, mais le vieux chef qui vient de temps en temps me voir, s'il va sur une place, qu'il se fait reconnaître comme chef de DASASGO, il peut prendre tout ce qu'il veut, personne ne peut lui demander quoi que ce soit. Il a encore ce pouvoir aujourd'hui. Seulement, comme on n'est pas obligé de le reconnaître, je crois qu'il doit avoir peur qu'on le frappe avant qu'on sache, qu'on reconnaisse son identité ! Mais il a ce pouvoir jusqu'à aujourd'hui. Et il m'a expliqué qu'il a installé à OUAGA 150 marchés depuis qu'il est au pouvoir. 150 marchés ! On ne peut pas installer un marché dans le pays MOAGA avant qu'il vienne installer la place de ( ? ) celui qui installe les sacrifices, tout ce qu'il y a dedans, tout le fond. Vous voyez. C'est pourquoi DASASGO, là où nous sommes, signifie simplement "le percepteur du marché".

Mais je pense que la querelle de savoir quand est-ce que le marché a commencé n'est pas inintéressante, dans la mesure où on dit que quelqu'un de bien ne manque jamais de parents !. Si le marché n'avait pas une grande importance, personne n'en n'aurait revendiqué la paternité. Pour ce qui nous concerne, nous retiendrons juste que le marché existe depuis plusieurs siècles. C'est pour ça que je disais tout à l'heure que je suis au début de ces études, certainement qu'avec l'aide de collègues historiens, peut-être qu'on arrivera à remonter un peu pour connaître les dates d'implantation des premiers marchés. Or, une institution qui a une telle longévité ne peut que correspondre à un besoin sérieux. C'est pour cela qu'ici on va essayer de répertorier quelques fonctions socio-culturelles du marché qui nous paraissent évidentes.

La 1ère évidence, c'est la fonction économique

Je l'occulte, mais elle existe. La fonction économique est la première et la plus visible. On va au marché se procurer les choses dont on a besoin. C'est le lieu par excellence de la circulation et de la consommation des produits. Toutefois, dans la société traditionnelle, cette consommation est réglementée par la morale sociale. Chez les BISSA par exemple, un bon chef de famille ne vend pas les vivres....ne vend que les vivres vieux de plusieurs années. Il ne peut vendre des produits de la saison que pour des intérêts supérieurs comme la santé d'un membre de la famille ou l'impôt, quand il est menacé de prison. Sinon, on lui interdit de vendre les récoltes de la saison, simplement pour qu'il n'aille pas vendre et affamer sa famille. Maintenant, s'il peut faire la preuve qu'il a du mil qui date de 4 ans, qu'il n'arrive pas à finir, que les insectes risquent d'abîmer. Ah! Oui! ça, il peut le vendre, mais pas les choses de la saison.

Parfois cette morale sociale se fait "interdit", comme c'est le cas chez les LOBI où, chez les LOBI, avec ce qu'on appelle les cultures amères : les produits tels que le mil qui constituent la base de la survie alimentaire, sont interdits de vente. Dans le pays Lobi vous ne pouvez pas vendre des produits de base. On les appelle les cultures amères parce que ce n'est pas à vendre, c'est fait pour nourrir la famille. On ne vend pas. Si vous allez encore aujourd'hui au marché de (GAOUA ?), ceux qui vendent le mil et autres, ce sont les MOSSI venus d'ailleurs. Ce sont des étrangers. Vous ne trouverez pas un LOBI en train de vendre du mil, ça n'existe pas parce que c'est interdit dans sa coutume.

Comme on le voit, dans la société traditionnelle, l'appétit du gain était ( ?) contrôlé, subordonné qu'il était à l'aide de ( ? ) . Donc je passe rapidement sur cette fonction économique qui, de mon point de vue en tous cas ne m'intéresse pas beaucoup. Mais je tenais à dire que ce n'est pas non plus tout azimut. Il y a des règles et on contrôle ça.

Le 2ème point que je voudrais aborder , c'est la fonction communicative

C'est au marché que les populations allaient s'informer des nouvelles du pays, des amis, des parents. Quand il y avait une commission à faire, on était sûr de trouver au marché un ressortissant du village intéressé qui se chargerait de la mission. C'est peut-être en partie pour faciliter ce type de contact que l'occupation du marché a été organisée comme je vous l'ai dit.
C'est aussi au marché que les chefs de village, par l'intermédiaire du chef du marché (le chef du village ne vient jamais au marché. Ils doivent passer par le chef du marché et le crieur public) informaient de toute décision concernant la population. Dans certaines régions du Burkina Faso, chez les TURKA par exemple, le marché remplit la fonction du journal officiel où tous les actes jugés importants sont publiés. La cérémonie du mariage comporte une partie où le marié, porté sur le dos des populations, puis sur les épaules de son ami est suivi de la population. Il fait le tour du marché. Après cela, personne dans le pays, même les absents temporaires n'est censé ignorer

et le public, au sens originel du mot ( ? ) s'il fait ses preuves, tout le monde ira chez lui ( ? ) . Mais, si l'intronisé ne montre pas qu'il est fort, on doute de lui. Mais en tous cas on l'a intronisé. Tout le monde est au courant qu'il existe.
Il semble que dans certaines communautés MOSSI la célébration des funérailles d'un notable ou d'une personne âgée exige qu'un cortège funèbre fasse silencieusement 3 fois le tour du marché. Cette pratique est hautement symbolique puisqu'elle signifie que la vie que l'on quitte et le marché à qui on dit adieu se confondent. Vivre c'est donc aller au marché. Et si on cesse d'aller au marché c'est qu'on est mort. Cependant le marché n'est pas autorisé à recevoir toutes les nouvelles. On n'y fait jamais par exemple l'annonce des funérailles. La fonction d'information et de communication du marché est certainement la plus importante, de mon point de vue après celle, économique, parce que jusqu'à aujourd'hui, si vous avez un meeting politique, vous avez une campagne de vaccinations......vous savez que c'est au marché qu'il faut aller le dire en passant par le crieur public. Sinon personne n'est au courant.

3ème fonction, c'est la fonction politique

Un rassemblement aussi important de personnes pose partout ailleurs des problèmes de nature politique. Nous avons déjà relevé que le marché est un signe de la puissance des autorités locales et de la prospérité de la communauté. La fonction politique me semble déjà présente à ce niveau. Les autorités politiques, administration moderne et chefferie traditionnelle, vont utiliser le marché dans le sens d'assurer leur autorité, mais aussi et surtout de rechercher la paix sociale. Le marché devient le symbole de la paix sociale et lorsqu'un drame politique survient, le marché en témoigne. En pays MOAGA, on apprend comme je vous l'ai dit le décès du Mooro à travers le désordre qui est provoqué par le pillage fait par les envoyés de la famille royale. Pendant toute la durée de la vacance du pouvoir, le marché est déplacé en un endroit pour signifier l'anomalie de la situation. Cela montre bien, si besoin était, du lien étroit qui existe entre le marché et le pouvoir politique pour ces communautés. Le marché est une institution placée sous la responsabilité de l'autorité politique. Le chef du marché rend directement et régulièrement compte au chef du village. Et le chef du village, en pays MOAGA par exemple, évite d'aller au marché, parce qu'il ne doit pas être témoin. On doit venir lui rendre compte pour lui donner la latitude d'agir. Il y a là toute une relation assez complexe. Quand une autorité extérieure veut utiliser le marché, c'est au chef de village qu'il faut s'adresser en priorité. Le chef peut décider de l'organisation de marchés spéciaux, c'est le côté où il a vraiment le pouvoir, c'est le cas quand il estime qu'il y a une bonne récolte. Il veut offrir une fête à sa jeunesse puisque c'est les jeunes qui travaillent. Il organise en pays MOAGA par exemple ce qu'on appelle les (DAFANDZAGA ?) . Donc, il doit faire un marché en cadeau à la jeunesse, et cette fête se fait avec beaucoup de dynamisme.
Pour des raisons de sécurité politique certainement, les marchés sur le plateau MOAGA s'arrêtent au coucher du soleil ; même les (DAFANDZAGA ?), puisque le chef du marché à une heure donnée vient disperser les gens. Dans d'autres régions de notre pays, à l'Est du pays par exemple, des marchés de nuit existent. On y arrive au coucher du soleil pour y rester jusque tard dans la nuit. Nos informateurs n'ont jamais pu nous dire exactement ce qui justifie l'existence de ces marchés. Trois raisons ont été évoquées :

- la raison économique

Les gens sont occupés dans la journée à autre chose. La nuit, ils ont le temps de venir au marché. Cela est peu convaincant de mon point de vue, quand on connaît le mystère qui entoure la nuit dans nos sociétés. Mais bon! quand vous allez pour interroger et que ceux qui veulent vous informer n'ont pas suffisamment confiance, ils vous balancent une raison comme ça pour ne rien vous dire. Il faut le prendre comme tel.

- Il y a aussi une raison mystique.

Ils disent que ces types de marché seraient fréquentés par des personnes qui détiennent des pouvoirs magiques. On les traite parfois de marchés de sorciers ou de marchés de sorcellerie. Ces marchés...ceux qui ne sont pas sûrs d'eux...ils n'y vont pas.

- Enfin ils avancent une raison sociale.

Il semble que, dans le temps, ce type de marché de nuit était très rare. Ca se faisait peut-être une fois l'an, maximum deux fois l'an. Et ils étaient une sorte d'exutoire social, c'est-à-dire que pendant ces marchés-là on donnait libre cours à toutes les transgressions sociales. Et personne n'était au courant officiellement de tout ce qui se fait là-bas, personne n'est au courant de quoi que ce soit. Donc, si dans la journée vous convoitez la femme du voisin, vous attendez patiemment qu'il y ait un marché de nuit. Et vous allez vous retrouver là-bas. Même si...il n'a rien vu, il n'est pas au courant, il est......voilà, c'est comme ça. C'est une transgression acceptée et organisée en quelque sorte. Donc vous voyez que ces marchés......bon!. Que ce soit pour les sorciers ou pour les défoulements populaires, l'existence du marché de nuit prouve que dans l'organisation sociale de ces régions, il existe une relative liberté pour les marginaux, malheureux des carcans des coutumes et des traditions. Car une société bien gérée, c'est celle qui sait prévenir les conflits, et quand ils s'imposent, leur trouver les solutions les meilleures. Et je crois que, de prévoir des exutoires de ce genre, ça permet de ne pas faire exploser les choses parce que les coutumes sont souvent très très rigides.

4) La 4ème fonction que je voudrais signaler c'est la fonction judiciaire.

Dans toutes les communautés Africaines, il existe deux modes de sanctions pour les actes condamnables:
- la justice des "mânes" et des ancêtres, peut-être la plus redoutée de tous
- et celle de la société
Les deux sont pratiquées dans le marché.
- La justice des "mânes" et des ancêtres passe par la fonction religieuse du marché que nous évoquerons plus tard.
- Mais la justice communautaire. Nous avons déjà signalé dans la région de l'Est ou chez les GOURMANCHE que tout voleur, pris en flagrant délit est promené au marché avec sur sa tête son butin. Généralement lorsqu'il est relâché, il en tire les conséquences. Il s'exile ou se suicide, ne pouvant plus supporter le regard des membres de la communauté. De même, en pays BISSA, certaines formes d'inceste dont la conséquence est la mort successive des enfants, se traitaient par un rituel au cours duquel le coupable dansait nu au son du tamtam autour du marché. Une telle sanction manifestement visait à dissuader. ( ? ) ou vous n'osez pas passer, on vous prend, vous savez que vous irez danser nu au marché et rien que d'y penser, je crois que ça désarme.

La "dénonciation diplomatique", c'est moi qui ai utilisé ce terme, vous verrez, si c'est bien juste ou pas.....Au YATENGA, le marché est comme partout, un haut lieu d'information, avec cette particularité que les commerçants recrutés ou qui ont abandonné le métier continuent à aller au marché et y jouer un rôle spécifique. Ils constituent le plus grand centre de renseignements. Par exemple, vous avez perdu votre âne. Vous allez voir ces notables, ils ont leur coin au marché. Vous allez avec quelques noix de cola. Vous vous aplatissez bien. Vous les saluez et vous leur dites :"voilà! mes frères! j'ai perdu mon âne et je sais pas où il est !". Ils reçoivent votre cadeau, et puis ils vous disent : "Bon! Allez! et revenez dans l'après-midi, si on a eu des nouvelles, on va vous le dire ". Ce temps est mis à profit pour s'informer sur vous. Est-ce que vous êtes un garçon digne d'être aidé ? Est-ce que vous êtes correct ? etc. Si oui, maintenant ils s'informent où se trouve l'âne parce que, eux, ils le savent. Ils détectent le lieu où se trouve l'âne, et l'après-midi vous, vous revenez. Ils vous disent : "voilà! vous allez aller, sans palabre, dans la maison d'un Tel et vous demandez là-bas. Il y a de fortes chances pour qu'on vous indique où se trouve l'âne". Donc le voleur voit quelqu'un qui vient directement chez lui, qui le salue et qui lui dit qu'il a perdu son âne et qu'il est en train de rechercher l'âne. Le voleur dit : "Ah! c'est vrai! moi, j'ai trouvé cet âne-là, et j'avais peur que quelque chose lui arrive. Donc je l'ai mis dans la rue en attendant que le propriétaire arrive". Il le prend, il vous rend votre âne et vous, vous le remerciez gentiment, et vous partez. On a évité de construire des prisons. Voilà le rôle de ( ? ) parce que le voleur n'est pas bête. Il sait que si vous êtes venu directement chez lui, c'est pas par hasard. Donc il n'insiste pas. Il dit : "gardez ça pour vous" même s'il était venu casser votre porte pour le prendre. Et vous ne devez pas faire de bagarre, c'est la règle du jeu. Si vous allez pour faire des bagarres, les vieux-là ne vous aideront plus. Donc, vous voyez que ce rôle, quand même, c'est ce que moi j'ai appelé la "dénonciation diplomatique". Bon! Voilà!.

5ème fonction, c'est celle religieuse et philosophique.

La fonction religieuse et philosophique c'est-à-dire celle qui permet à tous les membres de la communauté d'avoir une même conception du monde présente dès le départ. En effet, l'ouverture de tout marché succède toujours à des rites dont la plus grande partie n'est connue que des prêtres qui co-officient en la circonstance. Un marché est un rassemblement d'êtres vivants, mais ceux qui meurent continuent d'une certaine manière à fréquenter le marché. Ca, c'est très important pour eux. Le marché regroupe les vivants, mais aussi les morts. Les morts reviennent au marché, et ceux qui ont double vue, les voient. Donc, ça c'est très important, il faut compter avec.
Donc les rites fétichistes ont pour but de placer le marché sous la protection du Dieu et des ancêtres et d'en écarter les esprits malveillants et méchants parce qu'il y a des esprits qui reviennent, mais c'est pas pour faire du bien. C'est pour cela qu'un marché ne peut pas se concevoir sans une protection, j'allais dire magique.
En pays MOAGA, la place où sont enterrés les objets rituels est recouverte d'une pierre. C'est le " Ra-A-KOUGOUL'. C'est là que se placent les chefs du marché pour faire les annonces. D'être là sur cette pierre lui confère à la fois légitimité et autorité. Souvent la détermination de la fréquence du marché est décidée sur des bases religieuses. A l'Ouest du BURKINA, le marché constitue parfois la mesure du temps. Quand on parle d'une semaine là-bas, on parle d'un marché. On dit : "Je ne l'ai pas vu depuis deux marchés". A BOBO "Je ne l'ai pas vu depuis 2 marchés", à BOBO signifie "Je ne l'ai pas vu depuis deux semaines", c'est-à-dire depuis 14 jours. Mais la même phrase à BEREGADOUGOU signifie "Je ne l'ai pas vu depuis 10 jours, c'est-à-dire depuis 2 semaines aussi, parce que la semaine TURKA a 5 jours. Et ainsi de suite.......Donc, le marché, c'est la "semaine".
Que le marché soit une mesure du temps a beaucoup d'importance parce que le rapport de l'homme au temps constitue un des facteurs les plus importants de la spécificité culturelle. Le rythme de la vie et la manière d'organiser son existence sont fonction de la conception que l'on se fait de la mort qui peut être perçue comme une fin ou comme une transition vers un autre monde.
En pays MOAGA, le marché a une périodicité de 3 jours. L'explication la plus courante de ce découpage temporel serait économique. Il paraît que le dolo met 3 jours à être préparé.... Cependant, le caractère sacré du chiffre 3, qui est le chiffre symbole de l'homme nous permet d'imaginer qu'il puisse y avoir d'autres explications. C'est dans l'approfondissement de cette richesse, c'est ces choses-là qu'il faut qu'on arrive à savoir. En tous cas, le marché central de OUAGA, qui se tient maintenant tous les jours à cause du modernisme, devrait coïncider, si on respectait le calendrier MOAGA, avec les marchés de KAYA, de KOMBISIRI, MANGA et ZINIARE. Ca se tient le même jour, d'après nos informateurs.
On observera donc que, bien que les marchés soient construits avec des matériaux fort inflammables (paille, bois...si vous voyez mon marché, c'est vraiment des choses dérisoires), les incendies y sont très rares parce qu'il ne viendrait à l'esprit d'aucun criminel d'y mettre le feu. Quand cela arrive, c'est toujours le fait d'un malade mental. Cela prouve bien que, dans l'esprit de tous, le marché fait partie des lieux sacrés, des sanctuaires à respecter. Malgré la pénétration des religions comme l'Islam et le Christianisme, le marché est souvent resté la chose des animistes et géré comme tel. Il est un bien communautaire, ouvert à tous. Nulle part je n'ai vu des musulmans dire "nous sommes les plus nombreux, donc nous allons ouvrir un marché musulman". Ca n'existe pas parce que le chef de terre est mêlé à l'installation du marché. Et j'ai vu un cas assez curieux, c'est à ZINIARE, quand je faisais mes recherches, les musulmans qui sont devenus nombreux auraient dit que l'odeur du dolo qui leur rentre dans les narines était condamnable. A force de faire pression, ils ont obtenu qu'on fasse deux marchés, le marché de dolo et le marché propre où il n'y a pas d'odeur de dolo ni d'odeur de viande de cochon. Trés bien! Les deux marchés ont été construits. Maintenant, quand j'étais là-bas, ils étaient malheureux parce qu'il n'avaient aucun client. Tous sont partis pour l'odeur du dolo et du cochon, et voilà! ils n'avaient plus d'acheteurs. Je crois qu'ils étaient en train de re-négocier pour trouver une sorte de formule de marché unique, quitte à se le partager d'une manière nette.
C'est là le seul endroit à signaler où j'ai vu deux marchés. Et nous sommes allés interroger le chef du marché dans le marché de dolo où il y a une forte ambiance, mais l'autre, ça ressemblait à un désert. Les gars étaient assis et attendaient d'hypothétiques clients.

6) Le dernier point que je voudrais aborder, c'est donc la fonction esthétique et artistique.
Et là, je ne m'étendrai pas dessus, c'est pour dire simplement que le marché,
c'est la plus grande exposition des produits agricoles et artisanaux, c'est la plus grande exposition de l'art vestimentaire, c'est la plus grande exposition de l'art culinaire, etc.etc., on pourrait continuer comme ça.

Donc, quelque part, ce sont des festivals de tout ça, en même temps. Et c'est pour cela que je considère que le marché est certainement une des meilleures expressions, les plus vivantes de la culture. C'est un haut lieu de l'existence humaine qui mérite une attention particulière de la part de tous ceux qui ont la responsabilité de la gestion de la politique culturelle, mais aussi des chercheurs que nous sommes.

Je voudrais, parce que je crois que j'ai dépassé mon heure, en conclusion, dire que, comme nous l'avons annoncé en introduction, l'exposé visait à montrer l'intérêt que peut constituer le marché.
Nous avons essayé de montrer qu'il était d'abord et avant tout un outil de socialisation, mais l'outil ne sert longtemps que s'il remplit les fonctions qui aident la société à braver la diversité du temps et des changements. Nous avons donc dégagé quelques unes de ces fonctions et montré qu'elles correspondent aux besoins élémentaires de toute communauté. En milieu rural, à moins d'être malade ou en déplacement, le marché est un lieu incontournable pour toute personne désireuse de prendre part à la vie de sa communauté.

Si nous avons réussi à faire que vous prêtiez plus attention désormais à ce phénomène social d'importance, je crois que notre but aura été atteint. Pour notre part, le marché continue aujourd'hui à remplir la plupart des fonctions dont nous avons parlé. Cela veut dire qu'il reste un observatoire privilégié pour l'étude de nos sociétés en mutation.

Je vous remercie.

 

QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q.1
Chez moi j'entends souvent dire qu'il ne faut pas faire cette cérémonie parce que ça coïncide avec le marché de tel village qui sont des marchés de jour : donc ça veut dire que ces marchés là sont censés avoir une fonction, en tout cas un pouvoir, magique, et je te demande si tes informateurs dans des enquêtes t'ont amené à rencontrer de tels propos et si tu peux nous dire quelque chose là dessus, parce que moi je n'ose pas poser de question.

Q. 2
Par rapport aux cérémonies qui concernent le marché, par exemple on vient de refaire le marché de Bobo pas d'une façon traditionnelle : comment ça peut s'arranger tout ça ? Je suppose qu'il y a des choses qui ont dû être enlevées et remises mais je ne sais pas comment.

REPONSE DE J-P. GUINGANE

D'abord, réponse à la 2ème question. Quelle que soit la modernité, au moment où on allait le faire, certainement que les gens de DIOULASSOBA ont été sollicités pour aller faire la cérémonie; parce que, c'est simple, si vous ne faites pas ça et qu'il y a des malheurs et des incendies, des çi, des ça, on tape le maire qui n'a pas voulu respecter nos coutumes et le maire aussi a peur. Je crois que personne ne peut installer aujourd'hui un marché et ne pas tenir compte de ces aspects-là. ()

Maintenant : Domboué me demande si les gens qui disent "On ne fait pas de cérémonies parce qu'il y a le marché de tel endroit " Je ne sais pas. Moi, je n'ai pas entendu ça, mais ça, c'est compréhensible puisque, quand il y a un marché comme ça, c'est vrai qu'on fait des sacrifices, etc. pour éviter les bagarres. Mais en même temps, si le marché est vraiment important, je dirais que les traditionalistes du coin sortent leurs radars. Il y a des radars pour capter tous les maux et les neutraliser. Si donc vous, vous prêtez votre manifestation et qu'il y a interférence, enfin! Je me dis, ça peut être mauvais quoi! ça peut être des choses comme ça. Ah! Oui! Ils dorment pas, pour ça! Parce qu'un marché où il y a des bagarres, c'est la honte pour tous les vieux. Ca veut dire qu'ils ne sont rien et ça devient la risée. Donc jamais! Chacun travaille à ce que rien ne se passe.

 

Q. 3
(...) Et autre chose aussi, dans les marchés du Cameroun, le fait que vous marchandez. Moi, je voudrais savoir l'impact au niveau sociologique, parce que pour moi c'est comme un jeu. Chaque fois que je pars en vacances là-bas, j'ai du plaisir à aller au marché parce que l'on communique bien dans ce système de marchandage. Quand vous arrivez devant un stand, ils vous donnent un prix, sachant bien que ce n'est pas le prix réel, et ils s'amusent à vous retenir en baissant ou relevant le prix en fonction de la personne qui est en face, et je voudrais savoir pourquoi ce jeu-là, comment vous interprétez cela ?

REPONSE DE J.-P. GUINGANE

Oui! mais c'est ce que je dis. Mais la principale denrée, comme je vous l'ai dit, au marché, la principale marchandise, c'est la parole. Il y en a qui ne viennent que pour ça.

Q. 3 : Alors on perd beaucoup de temps pour acheter!

J-P.G : Oui! parce que vous raisonnez en termes de temps, encore une fois , comme j'ai dit, le rapport au temps est un facteur fondamental pour déterminer la culture des gens, le temps, c'est quoi ? Vous savez bien que dans nos pays, dès que vous avez un voisin qui perd son enfant, vous vous asseyez devant sa porte pendant 3 jours. Tant pis pour le patron qui attend! "J'ai l'enfant de mon voisin qui est mort". Ca suffit. Donc le temps, c'est quoi ?
Je connais une région comme le Sud-Ouest. A cause du temps, rien ne se développe là-bas, parce que les funérailles font 3 jours. Quand ils ont perdu quelqu'un, là ils le savent, ils dansent 3 jours. Si, pendant qu'ils dansent là-bas, un autre meurt de là-bas, ils continuent. Tous les projets sont à terre parce que les directeurs ne savent pas quand les ouvriers vont revenir, mais c'est comme ça! Et tu ne peux pas empêcher quelqu'un d'aller aux funérailles de son cousin. Voilà l'histoire. Moi, j'ai fait une petite enquête là-bas, mais c'était terrible! Non, mais c'est pour dire que c'est ça ! Je crois que c'est ça qui fait peut-être notre différence d'avec les autres; c'est d'accepter de prendre le temps de nous parler. Et vous savez bien que ça a des avantages . Les jeunes dépriment moins parce qu'ils ont toujours une oreille qui les écoute. Si vous sortez voir votre voisin, vous dites : "mon mari m'a battue la nuit" "Et bien encore, qu'est-ce que tu as fait ? tu ne pouvais pas....." Tu as trouvé quelqu'un à qui expliquer ton problème! Et c'est important du point de vue social. C'est ce que je dis, la denrée, la marchandise première de nos marchés, c'est la parole, c'est ça que tout le monde vend d'abord. Après, on voit s'il y a l'argent!

 

Q.4 (...)
Cependant, j'accepte tout ce qui est dit, toute la charge sociale et culturelle, toutes ces fonctions du marché, même si c'est la modernité qui les a posées dans nos sociétés, on les retrouve dans les marchés au SENEGAL, mais la partie religieuse, philosophique, mystique, ça, ça n'existe pas réellement chez nous. Par ailleurs, tout le monde sait que dans toutes les sociétés africaines, quand il y a un rassemblement, quand même il y a des chargés-d'influer-positivement sur ces assemblées-là. Mais ce n'est pas aussi structuré, aussi bien organisé qu'au BURKINA que cela se passe. Le chef de marché chez nous, c'est le percepteur, celui qui perçoit les taxes. Et c'est la commune qui est responsable du marché.
Ca m'amène à demander, cela ne veut pas dire que nos langues ne connaissent pas, n'ont pas de mots qui désignent ou des termes qui désignent le marché. J'aimerais savoir si au Burkina, les langues burkinabé ont des termes qui désignent le marché, pas sous le vocable du marché. Et c'est pour moi, à partir de ce moment-là que la recherche serait importante parce que je sais qu'au SENEGAL les WOLOF disent DJABA pour dire MARCHE, les SEREIRE : LOUMA pour parler de MARCHE, mais est-ce que ça existe en MORE ? en TURKA ()

J-P.G. : Oui! je crois que dans toutes nos langues il y a le mot MARCHE. En MORE c'est RAGA et comme nous sommes en linguistique-là, l'initiale en Moré quand un mot commence par R, il peut être remplacé par D, ça c'est du MORE, ça. Pour un LOAGA, DAGA, c'est la même chose que RAGA. Le MOAGA ne fait pas de différence entre DAGA et RAGA, donc ça dépend de chacun, mais le nom du marché c'est RAGA.

Donc, RACOUGOULI, la pierre du marché devient DACOUGOULI, selon la prononciation de l'intéressé. En BISSA, c'est DAKE, DAKI, pour dire MARCHE. Donc, je crois que, quelle langue je parle encore ? DIOULA? En DIOULA on dit LOKO............
Non! je crois que toutes nos langues ont des mots pour dire les marchés.

Q.5. Le vol, l'acte du vol, en général il est puni, et est ce que ça existe réellement cette histoire de l'âne, ça existe réellement ? Il n'y a pas un comportement radical face à l'acte du vol ?

J-P. G. : Non! Non. Le vol est condamné! Ca, il n'y a pas de problème. Il n'y a pas une ethnie où le vol n'est pas condamné. Seulement ici, il s'agit du traitement social du vol. Qu'est-ce que tu fais? Si tu cherches ton voleur, tu le trouves toi-même, tu l'attrapes, parce qu'il va résister. Un bon voleur va nier jusqu'à ce que tu le confondes. Quand tu l'auras confondu, tu l'amènes chez le chef. Pour qu'il le donne à la police (tu choisis puisque nous sommes aussi dans le modernisme) pour qu'il soit jugé selon les lois. Mais si tu passes par cet aspect du marché, et c'est la plus.......ça dépend de ce que tu veux. Si tu veux l'efficacité, il vaut mieux passer par ce créneau-là. Les vieux là-bas, tu peux les trouver, mais, ils ne s'en mêlent que si tu ne provoques pas des histoires.

Q.5 : Moi je pensais qu'il y avait une sorte de barbarie face au vol......

J-P. G. : Ah Si! j'ai fait une étude sur ça. Ca dépend des régions. J'ai fait une étude parce que j'ai lutté contre le lynchage des voleurs. Vous savez, c'est une pratique fréquente dans nos pays. Il se trouve que j'ai été le fondateur de l'action des Chrétiens pour l'abolition de la torture au BURKINA, et dans ce cadre j'ai fait une campagne d'une année contre le lynchage des voleurs. Ca m'a amené à faire une étude pour voir quel traitement on fait aux voleurs sur tous les territoires.
Il y a des régions, on les écartèle, on tire, on attache un âne ici et un âne ici, on tire. Tu as une hémorragie interne, mais quand on te lâches, tu es vivant. Tu iras mourir chez toi. Voyez, c'est le plus méchant. Et puis ça va jusqu'au TOUR DU MARCHE, ils te mettent le produit de ton vol sur la tête, et on te fait tourner autour du marché. Mais généralement nos sociétés sont très féroces avec les voleurs. Enfin! mais ça, ce n'était pas le sujet......

 

Q.6 (...) Le marché contre le supermarché c'est le pot de terre contre le pot de fer mais qui va gagner ?

J-P. G. : Je pense qu'il faudrait trouver un équilibre. Qu'à côté des supermarchés il y ait les marchés, qu'on ait le choix. Si vous êtes pressé, vite vite pour empiler votre chariot et partir, il faut que vous ayez aussi cette possibilité parce que vos sociétés ont un autre rythme que les nôtres. C'est pas pour rien que nous, on est sous-développés!

Q.8.
Par rapport à la question du lien social vous avez décrit un pratique de médiation sociale dans ce qui peut être repris et qui peut être traité à un autre moment comme conflit, et donc comme c'est un aspect sociologique qui m'intéresse le plus, j'avais été très attentif à ça, et je trouve que ça rend tout a fait compte d'une possibilité qui est avancée aujourd'hui au moins dans l'esprit des juristes français (dans la pratique c'est autre chose) : c'est tout ce qu'on travaille avec les jeunes en termes de réparation et de ?. On est tout a fait sur ce registre là, c'est-à-dire que l'acte du vol en l'occurrence ou toute autre transgression est repérée comme transgression mais au lieu d'être stigmatisée et donc de faire de cet enfant de ce jeune un voleur, on en fait de ce jeune un responsable en lui donnant la possibilité, sans lui faire perdre la face, de restaurer le lien social qu'il a rompu.

Q.9. Je voudrais apporter une contribution en deux temps.
La première c'est sur l'opposition qu'il peut y avoir entre le marché traditionnel et le marché mondial, mais là je fais une distinction : le sens que je mets sur l'expression marché mondial c'est le marché qui va être institué par le pouvoir en place, c'est-à-dire le gouvernement. Nous avons un cas au Togo où le gouvernement en place a construit carrément un marché de toutes pièces et a voulu déplacer le marché séculaire dont les gens se servent de père en fils, de mère en fille depuis très longtemps. Il a voulu déplacer les gens de force pour faire un grand marché. Il a créé un autre grand marché. Ils a mis l'armée pour déplacer les gens parce qu'après avoir conçu ce marché, les gens ne se déplaçaient pas de l'ancien marché auquel ils sont habitués, qui s'est créé spontanément, au marché de béton. Ils ont mis l'armée, ça n'a rien changé. Ils ont tabassé les gens, ils les ont poursuivis, ils les ont pourchassés, et ça n'a rien changé : les gens demeurent toujours au marché qui s'est créé spontanément et qui existe depuis longtemps, de façon séculaire. Donc ça, c'est un cas de figure où finalement le gouvernement, en porte à faux par rapport à ce qui se fait de façon traditionnelle et spontanée, n'en démord pas pour autant, et s'accroche à vouloir inciter les gens à changer.
Par contre, d'un autre côté, j'ai vu que, du temps de SANKARA au BURKINA FASO, Thomas SANKARA avait créé une journée où il n'y avait que les hommes qui allaient au marché. On en avait énormément parlé en Afrique, pas seulement au BURKINA, mais dans toute l'Afrique du Nord principalement. Ca a fait un tollé général , au niveau des hommes, au niveau des machos, bon, et tout ça, mais par contre tout le monde avait vu, au niveau du TOGO, c'est que cette journée où il n'y avait que les hommes qui devaient aller au marché, n'avait pas été rejetée par la population. Donc, je demanderais après vous confirmation ? Paraît-il même que ca avait eu une (..) sympathique.

Et ensuite ce que je voulais dire toujours en revenant à la notion où ce sont les hommes qui vont au marché, on revient au fait que dans certaines ethnies, par exemple au Togo selon les lieux où on se trouve, il y aura plus d'hommes que de femmes au marché. Le marché, c'est une affaire d'hommes ou c'est une affaire de femmes ? Au niveau des gens qui proposent des produits avant toute chose. Dans certaines ethnies, il y a plus de femmes, et dans d'autres il y a plus d'hommes, ce qui me fait arriver à ce que je voulais dire, qu'on avait fait, il y a deux ans de ça une conférence sur la place et l'importance de la femme au sein de la société Africaine, parce que, de prime abord on a présenté la femme comme soumise, alors qu'en fait elle est actrice principale de la vie sociale et surtout de la vie économique. Et, plus que jamais, la plupart du temps et dans bien des cas elle est celle qui apporte une bonne partie des revenus du couple. Au TOGO par exemple, on a l'exemple célèbre des NANA BENZ dont on a beaucoup parlé dans toute l'Afrique qui se sont vachement enrichies grâce à la vente de tissu, tellement riches qu'elles pouvaient se payer des Mercedes Benz qui est le signe extérieur de richesse par excellence dans pas mal de pays africains. Donc, je voudrais savoir s'il y a des similitudes au BURKINA FASO. Voilà! Je vous remercie.

J-P. G. : C'est vrai que SANKARA avait instauré le marché par les hommes. Heureusement nous n'y avons pas été plusieurs fois. On a été pillés qu'une seule fois. C'était très agréable et on a bien ri. On a bien ri parce qu'il voulait qu'on voie en fait...la raison qu'il avait avancée, en fait, c'est que nous allions voir combien les denrées coûtent cher, et ça allait nous permettre d'augmenter l'argent de la popote. Effectivement les commerçants nous en ont fait voir puisqu'il s'agissait de nous faire voir : tous les prix ont été au moins triplés, quoi!. Et comme, c'est vrai, on n'y allait jamais, on ne pouvait pas savoir. Quand tu arrivais, c'est la femme qui hurlait toute la journée parce que : "Comment! tu peux aller acheter ça! 150 F deux choux "! "Je dis "Hi ! Il a dit qu'on a qu'à aller voir. On est aller voir. Où est notre problème ! " Ce jour-là j'étais même très favorisé parce que j'avais 2 paniers. Celui de ma femme et celui de mon voisin qui était en prison à la gendarmerie. Il est maintenant ambassadeur à Bone. Mais il était en prison et moi j'ai pris deux paniers. Quand j'arrivais, les commerçants m'accueillaient avec plaisir ! Mais ça a été une fois, c'est vrai que ça nous a distrait, le plus.. l'argent qu'on y a laissé !! c'était pas grave. ! Symboliquement, je crois qu'il voulait dire : qu'il faut que les hommes aient pitié des femmes parce que souvent il y en a qui sortent en oubliant de donner l'argent et quand ils reviennent ils exigent de manger des choses pas possibles quoi ! et de ce point de vue, je crois qu'il avait raison . Mais je ne sais pas si la manière de le faire était juste. En tous cas, nous avons vu ce qu'il voulait qu'on voit, là on a vu parce que les commerçants ont vraiment augmenté !!! On a vraiment vu ça, il y a pas de problème !!!!
Maintenant, la contribution des femmes au commerce, au marché, et tout, c'est vrai que, dans les pays côtiers comme le TOGO, le GHANA et autres, le rôle économique des femmes est plus visible, peut-être parce que ce sont des pays où il y a des ports, donc on fait beaucoup plus de transactions, mais, j'expliquais à Mr Temple, je crois hier ou ce matin, justement l'histoire des NANA BENZ qui donnent au mari le rôle presque des garçons de course, c'est l'impression que moi, j'ai eue à LOME . Il y a des NANA BENZ, leurs maris "va faire ça", "va faire ça", c'est elle qui a l'argent. Tu deviens pratiquement son serviteur. Tant mieux. Mais quand on me dit que les Africaines sont très peu présentes dans leur pays et n'ont pas les pouvoirs, je crois qu'il faut toujours éviter de généraliser. Je crois qu'il n'y a pas de femmes plus puissantes que les femmes au TOGO au GHANA ou en tout cas sur la côte africaine où elles ont réussi à avoir des empires économiques terribles. Mais c'est pas très visible dans les pays du Sahel où quand même il n'y a pas grand chose. La femme ? qu'est-ce qu'elle peut vendre? Pour avoir le pouvoir économique de cette importance ? C'est maintenant que petit à petit on a des femmes entrepreneurs qui commencent vraiment à émerger. Mais Bon! je crois que c'est une question de qualité individuelle, quoi! Mais c'est pas visible. Chez nous, c'est encore les hommes qui détiennent en grande partie le pouvoir économique.

Q.

C'est à l'homme de théâtre que je m'adresse en même temps qu'à l'observateur du marché. Le marché, moi j'ai eu l'expérience au NIGERIA où j'ai passé 2 ans de 82 à 84. Et j'avais observé le théâtre de contestation politique de SOYNINKA qui amenait ses acteurs un peu partout et notamment au marché. Et donc le théâtre jouait vraiment un rôle aussi de la contestation. (.) Donc est-ce qu'on peut trouver ça aussi au BURKINA, ou dans d'autres situations de l'Afrique ?

J-P. G. : Nous, nous pratiquons le Théâtre d'Intervention Sociale qui est un théâtre de proximité, et, quand nous le faisons, nous allons là où il y a de la foule. C'est pour cela que nous jouons au marché. Nous n'allons pas au marché parce que c'est le marché, mais parce que c'est là où il y a du monde et ça nous facilite, au lieu de faire 10 villages en tournée, on sait que si on se met sous un arbre à côté du marché les gens viennent nous regarder une fois, deux fois au besoin, et puis on est content, tout le monde aura vu. Donc nous, nous allons au marché, mais à la recherche de la foule qui s'y trouve, donc du public. Ca, ça existe chez nous. En tous cas notre troupe le fait.

Q.8. : Ca ne joue pas un rôle particulièrement contestataire ? C'est ça que je voulais savoir.

J-P.G. : La pièce ou quoi?

Q.8. : Oui, par rapport au social, vous voyez?

J-P.G. : La pièce, maintenant ça dépend du thème, ça dépend de ......Bon!, qu'est-ce que je vais vous dire ?..Une des pièces que nous avons produites par exemple, c'était: "Le bonheur dans l'urne ". On nous a demandé d'apprendre aux gens la démocratie. Bon! C'est très bien! Nous, on a expliqué dans cette pièce qu'il faut pas faire la magouille, il faut pas tricher, il faut pas.........C'est très bien. Nous, pour nous, c'est pas subversif puisque tout le monde dit qu'on ne veut pas la magouille.......Mais quand nous avons commencé à tourner, nous nous sommes rendus compte que tout le monde dit ça, mais tout le monde ne fait pas ça! () Vous voyez ! Où commence la subversion ? Le théâtre d'intervention sociale par définition, c'est ça.....

 

Q.9 : Je voudrais apporter une contribution en deux temps.
La première c'est sur l'opposition qu'il peut y avoir entre le marché traditionnel et le marché mondial mais là je fais une distinction : le sens que je mets sur l'expression marché mondial c'est le marché qui va être institué par le pouvoir en place c'est-à-dire le gouvernement. Nous avons un cas au Togo où le gouvernement en place a construit carrément construire un marché de toutes pièces et a voulu le déplacer le marché qui est séculaire dont les gens se servent de père en fils de mère en fille depuis très longtemps. Ils ont voulu déplacer les gens de force pour faire un grand marché. Ils ont créé un autre grand marché Ils ont mis l'armée pour déplacer les gens parce qu'après avoir conçu ce marché les gens ne se déplaçaient pas de l'ancien marché auquel ils sont habitués qui s'est créé spontanément au marché de béton qu'ils ont créé. Ils ont mis l'armée, ça n'a rien changé. Ils ont tabassé les gens, ils les ont poursuivis, ils les ont pourchassés et ça n'a rien changé les gens demeurent toujours au marché qui s'est créé spontanément et qui existe depuis longtemps de façon séculaire. Donc ça c'est un cas de figure où finalement le gouvernement, en porte à faux par rapport à ce qui se fait de façon traditionnelle et spontanée et qui n'en démord pas pour autant et qui s'accroche à vouloir inciter les gens à changer.
Par contre, d'un autre côté, j'ai vu que, du temps de SANKARA au BURKINA FASO, Thomas SANKARA avait créé une journée où il n'y avait que les hommes qui allaient au marché. Si! On en avait énormément parlé en Afrique, pas seulement au BURKINA, mais dans toute l'Afrique du Nord principalement. Ca a fait un tollé général , au niveau des hommes, au niveau des machos, bon, et tout ça, mais par contre les échos, tout le monde avait vu, au niveau du TOGO, c'est que cette journée où il n'y avait que les hommes qui devaient aller au marché, n'avait pas été rejetée par la population. Donc, je demanderais après vous confirmation? Parait-il même que ça avait eu une (...) sympathique.

Et ensuite ce que je voulais dire toujours en revenant à la notion ou ce sont les hommes qui vont au marché on revient au fait que dans certaines ethnies par exemple au Togo selon les lieux où on se trouve, il y aura plus d'hommes que de femmes au marché. Le marché, c'est une affaire d'hommes ou c'est une affaire de femmes. Au niveau des gens qui proposent des produits avant toute chose. Dans certaines ethnies il y a plus de femmes et dans d'autres il y a plus d'hommes, ce qui me fait arriver à ce que je voulais dire, qu'on avait fait, il y a deux ans de ça une conférence sur la place et l'importance de la femme au sein de la société Africaine, parce que, de prime abord on a présenté la femme comme soumise, alors qu'en fait elle est actrice principale de la vie sociale et surtout de la vie économique. Et, plus que jamais la plupart du temps et dans bien des cas elle est celle qui apporte une bonne partie des revenus du couple. Au TOGO par exemple, on a l'exemple célèbre des nanas BENZ dont on a beaucoup parlé dans toute l'Afrique qui se sont vachement enrichis grâce à la vente de tissu, tellement riches qu'elles pouvaient se payer des Mercedes Benz qui est le signe extérieur de richesse par excellence dans pas mal de pays africains. Donc, je voudrais savoir s'il y a des similitudes au BURKINA FASO. Voilà! Je vous remercie.

J-P-G. : C'est vrai que SANKARA avait instauré le marché par les hommes. Heureusement nous n'avons pas été plusieurs fois. On a été pillés qu'une seule fois. C'était très agréable et on a bien ri. On a bien ri parce qu'il voulait qu'on voie en fait...la raison qu'il avait avancée, en fait, c'est que nous allions voir combien les denrées coûtent cher et ça allait nous permettre d'augmenter l'argent de la popote. Effectivement les commerçants nous en ont fait voir puisqu'il s'agissait de nous faire voir. Tous les prix ont été au moins triplés, quoi!. Et comme, c'est vrai, on n'y allait jamais., on ne pouvait pas savoir. Quand tu arrivais, c'est la femme qui hurlait toute la journée parce que: "Comment! tu peux aller acheter ça! 15O F deux choux "! Je dis Hi ! Il a dit qu'on a qu'à aller voir. On est aller voir. Ou est notre problème ! Ce jour-là j'étais même trés favorisé parce que j'avais 2 paniers. Celui de ma femme et celui de mon voisin qui était en prison, A la gendarmerie, Il est maintenant ambassadeur à Bonne. Mais il était en prison et moi j'ai pris deux paniers. Quand j'arrivais, les commerçants m'accueillaient avec plaisir. Mais ça a été une fois, c'est vrai que ça nous a distrait, le plus.. l'argent qu'on y a laissé, c'était pas grave. Symboliquement, je crois qu'il voulait dire: qu'il faut que les hommes aient pitié des femmes parce que souvent il y en a qui sortent en oubliant de donner l'argent et quand ils reviennent ils exigent de manger des choses pas possibles quoi! et de ce point de vue, je crois qu'il avait raison . Mais je ne sais pas si la manière de le faire était juste. En tous cas, nous avons vu ce qu'il voulait qu'on voit, là on a vu parce que les commerçants ont vraiment augmenté. On a vraiment vu ça, il y a pas de problème.
Maintenant, la contribution des femmes au commerce, au marché, et tout, c'est vrai que, dans les pays côtiers comme le TOGO, le GHANA ET AUTRES, LE RÔLE éCONOMIQUE DES FEMMES EST plus visible , peut-être parce que ce sont des pays où il y a des ports, donc on fait beaucoup plus de transactions, mais, j'expliquais à Mr Temple, je crois hier ou ce matin, justement l'histoire des NANA BENZ qui donnent au mari l'idée presque des garçons de course, c'est l'impression que moi, j'ai eue à LOME . Il y a des NANA BENZ, leurs maris " va faire ça", "va faire ça", c'est elle qui a l'argent. Tu deviens pratiquement son serviteur. Tant mieux. Mais quand on me dit que les Africaines sont très peu présentes dans leur pays et n'ont pas les pouvoirs, je crois qu'il faut toujours éviter de généraliser. Je crois qu'il n'y a pas de femmes plus puissantes que les femmes au Togo et au Ghana ou en tout cas sur la côte africaine où elles ont réussi à avoir des empires économiques terribles. Mais c'est pas très visible dans les pays du Sahel où quand même il n'y a pas grand chose. La femme ? qu'est-ce qu'elle peut vendre? pour avoir le pouvoir économique de cette importance ? C'est maintenant que petit à petit on a des femmes entrepreneurs qui commencent vraiment à émerger. Mais Bon! je crois que c'est une question de qualité individuelle quoi! Mais c'est pas visible. Chez nous, c'est encore les hommes qui détiennent en grande partie le pouvoir économique.

Q.10 : Est-ce que les Libanais existent toujours ? Est-ce qu'ils sont dans les marchés ? est-ce qu'ils ont des boutiques à part ?

J-P.G. : Ah! Oui! Nous, on ne peut pas se passer de nos Libanais. C'est eux qui détiennent tous les marchés. Enfin, pas le marché tel que je l'ai décrit. Ils n'y sont pas. Ils sont dans les grandes villes et dans des boutiques. Et ils tiennent tous les circuits économiques
SIDI: Je voudrais compléter pour montrer qu'au SENEGAL c'est une colonie de peuplement, structurée à partir de la FRANCE. Ce n'est pas des aventuriers. C'étaient des gens qui avaient une mission. Ils étaient formés au commerce, implantés dans la société pour maîtriser la vente de gros et de demi-gros d'une part, et d'autre part, de maîtriser la filière arachide à l'intérieur du pays.

J-P.G. : Qu'est-ce qu'on peut leur reprocher?

SIDI: Nous, on leur reproche absolument rien! Ils font du commerce. C'est des Sénégalais aujourd'hui. Il y en a qui ont réussi même à être conseillers du Président de la République Française. Tant mieux pour eux. Mais c'est des Sénégalais aussi et donc.....Bon! Il y a un aspect peut-être spéculatif () Nous, les marchés dont on parle c'est les marchés lieux de vie, cadres d'être, d'épanouissement, cadres de vie fondamentalement. Et les Libano-Syriens, eux, c'est la distribution moderne, c'est autre chose.

J-P.G. : Je crois que nos économies ne peuvent pas se passer d'eux. Si, par un miracle quelconque on les sortait, je crois que beaucoup de choses s'écrouleraient.

SIDI: De toutes façons, même si on les remplace par des autochtones, c'est le système économique qui est comme ça. C'est le capitalisme qui a cette forme de développement.
En France, moi je fais les marchés, vous avez posé une question tout à l'heure. Je travaille sur les marchés aux alentours de Montpellier, un peu partout en France, je suis commerçant. Mais je vois les choses telles que cela se donne. Et des fois je suis à la Comédie tôt le matin, mais les vieilles personnes viennent vers moi pour discuter. C'est de cela dont vous parliez, de cette fonction de communication, qu est certainement celle du producteur qui vend aux Arceaux, parce que il a sa clientèle, ils se connaissent etc...... C'est ça qui n'existe pas à INNO. INNO, c'est des chiffres, c'est ce que tu choisis et tu paies et tu t'en vas. Donc INNO c'est pas un marché en fait, ça ne peut pas être un marché, c'est des magasins. Mais les marchés de France, Bon!.....vraiment c'est agréable. Moi j'adore les marchés de France. Sur les marchés, que ce soit le marché du Plan Cabane, essentiellement Sénégalo-Maghrébin, ou le marché des Arceaux, ou à Mauguio ou à Lunel, etc....etc....quoi, tous ces marchés , ces types de marchés-là, ces fonctions que vous avez évoquées (en dehors de l'aspect mystique), sont là.

J-P. G. :
Je voudrais vous remercier de votre patience, et de cet échange, en tous cas je suis content d'avoir pu vous rencontrer, et j'espère que ce ne sera pas la dernière fois. Voilà! Je vous remercie.