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LE TRAITEMENT DE LA QUALITE
AGROALIMENTAIRE EN QUESTION :
promesses et problèmes des expériences en cours
dans les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre

par

Paul BOM KONDE

(économiste)



   
         

 L'étude a couvert 8 pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre :

Bénin,

Burkina Faso,

Cameroun,

Côte d'Ivoire,

Guinée Conakry

Mali,

Niger,

Sénégal.

sommaire

 

1. CONTEXTE ET ENJEUX ACTUELS DE LA QUALITE AGROALIMENTAIRE DANS LES PAYS D'AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE

2. LE TRAITEMENT DE LA QUALITE PAR LES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES ET LEURS DISPOSITIFS D'APPUI

3. COORDINATION DE LA QUALITE PAR LES ACTEURS

4. LES PERSPECTIVES INSTITUTIONNELLES D'AMELIORATION DE LA QUALITE.

BIBLIOGRAPHIE

   
 

Dans le cadre de cette communication, je vais essentiellement parler du traitement de la qualité dans les pays d'Afrique de l'ouest et du Centre.

Ce Travail fait suite aux échanges que nous avons eus avec des collègues et amis africains dans huit pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre :

Bénin,

Burkina Faso,

Cameroun,

Côte d'Ivoire,

Guinée-Conakry

Mali,

Niger,

Sénégal.

Introduction :

Dans les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre, la transformation des produits agroalimentaires est confrontée à la montée des exigences des consommateurs et des structures de réglementation en matière de qualité des produits. De nombreux facteurs sont à la base de cette évolution. La suspicion de certains produits (fraudes, utilisation d'additifs), l'éloignement des marchés (de moyenne et longue distance), les conditions de fabrication des produits (crise de la vache folle), le détournement des origines des produits...

A l'évidence, la réponse à cette question n'est pas simple dans la mesure où les solutions à apporter en matière de traçabilité, de prévention ou de minimisation des risques alimentaires ne sont pas réductibles à l'entreprise toute seule.

En effet, cette évolution préoccupe à des degrés divers les acteurs du secteur de la transformation agroalimentaire : dispositifs d'appui (laboratoires de contrôle, associations de qualiticiens, consultants privés), organisations socioprofessionnelles, entreprises agroalimentaires et pouvoirs publics. Paradoxalement, les moyens de financement sont essentiellement dégagés par les organismes internationaux (ONUDI, FAO, Ministère français des Affaires Etrangères) qui s'intéressent de plus en plus à cette question au travers des projets sur la qualité.

Si de façon générale, les réflexions et les actions autour de la qualité agroalimentaire sont à leur début, il reste que les angles de vision privilégiés pour traiter la qualité en Afrique sont à la remorque des projets financés par les bailleurs de fonds internationaux. Ce n'est pas tant l'existence de projets "qualité" qui pose problème. Mais plutôt l'absence d'une réflexion, d'une vision stratégique menée au niveau africain et visant le traitement de la qualité agroalimentaire dans un contexte de diversification et d'éloignement des marchés.

Par conséquent, une vision stratégique du traitement de la qualité partant d'un point de vue africain s'impose. Le Cauris peut et doit à ce titre contribuer à cette réflexion en faisant partager sa vision.
Dans cette perspective, le but de cette intervention est de nourrir par la réflexion les axes forts d'une action pouvant contribuer au traitement de la qualité dans les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre. Ce travail fait suite aux échanges que nous avons eus avec des collègues et amis africains dans huit pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée Conakry, Mali, Niger, Sénégal.

 

Dans le cadre de cette communication, je vais essentiellement parler du traitement de la qualité dans les pays d'Afrique de l'ouest et du Centre.

Mon intervention sera structurée en quatre points :

1. Le contexte et les enjeux actuels de la qualité agroalimentaire dans les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre.

2. Le traitement de la qualité par les entreprises agroalimentaires et leurs dispositifs d'appui.

3. Les problèmes de coordination qui se posent entre les partenaires (entreprises et dispositifs d'appui).

4. Les perspectives institutionnelles d'amélioration de la qualité.

   
   

 

1. CONTEXTE ET ENJEUX ACTUELS DE LA QUALITÉ AGROALIMENTAIRE DANS LES PAYS D'AFRIQUE DE L'UEST ET DU CENTRE

   
   

1 .1 Contexte :

Trois éléments de contexte sont à retenir :

(i) Le contexte général de globalisation est marqué par la diversification des marchés :

- Les marchés de proximité émergent et se développent dans les agglomérations villageoises, sur les grands axes routiers (par exemple la base de Boumnyébél entre Douala et Yaoundé au Cameroun), dans les marchés des villes (quartiers, rues et carrefours à forte affluence et autrement appelés " tourne-dos ").

- Les marchés de moyenne distance connaissent un grand essor depuis une trentaine d'années Ce sont des marchés qui relient les campagnes aux villes.

- Les marchés de longue distance commencent à s'ouvrir (marchés régionaux, internationaux).

Ces marchés constituent des opportunités de création de richesses, d'emplois et d'amélioration des revenus pour les petites entreprises agroalimentaires (PEA).

(ii) Parallèlement, on assiste à la prise de conscience par les consommateurs de nombreux risques alimentaires.

- A l'échelle mondiale : il y a prise de conscience par les habitants de la planète des risques alimentaires liés aux dysfonctionnements observés dans l'agro-industrie alimentaire (vache folle, farines animales) ;

- Au niveau des pays de la sous-région, se développe la suspicion de certains produits transformés par les populations et les associations de consommateurs. Différents facteurs en sont à la base : (i) les méthodes de mise en sachet de l'eau à provenance parfois douteuse vendue par certains fabricants, (ii) la fabrication de boissons douteuses tels que le mélange du dolo (bière traditionnelle) et du whisky (Johnny Walker) au Burkina Faso (banlieue de Ouagadougou), (iii) le passage de l'alimentation domestique ou familiale à l'alimentation marchande (caractérisée par la difficulté de produire mais surtout de cuire des produits de bonne qualité pour le plus grand nombre)

(iii) Contexte de protection du consommateur par les Etats au niveau mondial et au niveau des pays.

La protection des consommateurs se traduit par :

(i) La mise en place des barrières non tarifaires à l'échelle internationale. Les pays industrialisés ouvrent les marchés d'un côté mais les referment aussitôt en brandissant des normes contraignantes qui empêchent les pays en développement d'écouler leurs produits sur les marchés.

(ii) A l'intérieur des pays, les Etats mettent en place des structures de normalisation et/ou de certification pour protéger les consommateurs et contraindre les producteurs à respecter les règles requises par les services de réglementation. Ce travail est en gestation.

 

1.2 Enjeux

Cette évolution oblige les acteurs (entreprises, dispositifs institutionnels, et décideurs politiques) à entreprendre des actions concertées visant le traitement de la qualité.

Il faut y voir au moins un triple enjeu :

- Le traitement de la qualité permet
d'éviter les risques de dysfonctionnement alimentaires susceptibles de nuire à la santé des populations. Un beignet acheté à 20 FCFA peut, en cas d'intoxication alimentaire, entraîner des dépenses de santé importantes pour le budget des ménages. Si chaque année, ces dysfonctionnements touchent 1 million de personnes dans la sous-région sur un total de 74 millions d'habitants (diarrhées, intoxication alimentaires diverses) ; et si les ménages doivent y consacrer en moyenne 10 000 FCFA en dépense de santé, ceci entraîne au total 10 milliards de FCFA (15 174 506 Euros) de perte pour les économies de la sous-région. Ceci représente un coût énorme pour les pays de la sous-région qui ont d'autres priorités en matière de développement.

- En second lieu, le traitement de la qualité permet non seulement le maintien en activité des entreprises agroalimentaires, mais également d'améliorer leur image ainsi que celle des organisations socioprofessionnelles, du métier de transformateur tout entier, voire celle de la région (par exemple les produits avec labels territoriaux qui ont une forte réputation nationale et internationale).


- Enfin,
le traitement de la qualité permet d'éviter aux entreprises le risque de sanction par la réglementation (nationale, régionale ou internationale). Les punitions peuvent entraîner le paiement des amendes, la fermeture voir l'emprisonnement des auteurs.

 

 

   
   

2) LE TRAITEMENT DE LA QUALITÉ PAR LES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES ET LEURS DISPOSITIFS D'APPUI



   
   

Comment la qualité agroalimentaire est-elle traitée dans les pays visités ?

La réponse à cette question nécessite une définition, une compréhension préalable de ce que nous entendons par traitement de la qualité ainsi qu'une explicitation des dispositifs qui traitent la qualité.

DEFINITION : Par traitement de la qualité il faut entendre l'ensemble des précautions qui sont prises par les différents acteurs (institutions, entreprises, consommateurs) au cours du cheminement du produit : de l'amont vers l'aval des filières telles que la production agricole, l'élevage, et la pêche. Cette prise de précaution permet d'éviter voire même de limiter les risques alimentaires.
Le principe de précaution est au coeur du traitement de la qualité.

QUI TRAITE LA QUALITE ?

Parler du traitement de la qualité oblige à mettre en évidence les acteurs qui en ont la charge.
Ce sont à la fois les entreprises, leurs OSP (organisations socioprofessionnelles) et les dispositifs institutionnels qui les accompagnent dans différents domaines : application de la démarche qualité, information sur les normes, contrôle de la qualité, inspection / contrôle des fraudes (produits, emballage, locaux) et sanction (en cas de non respect des règles).

Les rôles des acteurs peuvent être explicités de la manière suivante :

- Les entreprises ou bien leurs organisations socioprofessionnelles ont vocation à mener des démarches qualité conformes aux normes requises aux plans national et international.

- Les dispositifs de formation délivrent des compétences nécessaires à la mise en uvre des démarches qualité. Les formations couvrent différents domaines : la production agricole, l'élevage, la transformation, la conservation, les emballages, etc.

- Les dispositifs d'analyse /contrôle de la qualité ont pour rôle de certifier la conformité des produits par rapport aux normes requises (organoleptique, biochimique, biologique et d'hygiène) et/ou au cahier des charges.

- Les dispositifs transversaux d'analyses / contrôle (métrologie) informent et conseillent les entreprises sur les outils de fabrication, l'étalonnage, les mesures, les poids adaptés aux normes requises.

- Les dispositifs de contrôle/inspection (douanes, services communaux) assurent le contrôle des produits, des locaux, des emballages et sanctionnent les entreprises en cas de non respect des règles. Ce contrôle /sanction touche également les autres acteurs du système qualité tels que les laboratoires qui ont pour rôle la certification de la conformité des produits, des démarches qualité ou de l'environnement dans lequel se fait la production.

- Les dispositifs d'alerte (associations des consommateurs) jouent différents rôles : information et défense des consommateurs (choix et utilisation des aliments adaptés, sensibilisation de tous les acteurs), mobilisation de l'arsenal juridique pour le consommateur en cas de litiges.

- Les dispositifs de normalisation (associés parfois à la métrologie) élaborent des normes au sein de comités techniques qu'ils mettent en place, informent les entreprises et les dispositifs d'appui sur les normes existantes aux plans national et international.

- Les services de réglementation définissent l'arsenal juridique (droits et obligations) auquel tous les acteurs doivent se soumettre.

- Les collectivités locales sont censées jouer un rôle d'aménagement des sites de fabrication et de vente des produits (restauration de rue par exemple).

La complémentarité de ces missions respectives assumées par les acteurs participe de la coordination des précautions à prendre et qui garantissent la qualité des produits.

Par conséquent, le traitement de la qualité n'est pas réductible à l'entreprise toute seule. C'est un système qui est composé d'acteurs spécialisés en interaction et dont l'action est gouvernée par le principe de précaution.

POURQUOI LA QUALITE EST-ELLE TRAITEE ?

Hypothèse de travail : Face aux risques et à l'incertitude auxquels le secteur agroalimentaire est exposé (sanction de l'activité par les marchés, sanctions institutionnelles, perte de confiance des consommateurs, mauvaise réputation du produit et du métier, impact négatif sur la santé publique), les acteurs collectifs sont contraints de traiter la qualité en se conformant aux normes et aux règlements (nationaux et internationaux).

COMMENT LES ACTEURS TRAITENT-ILS LA QUALITE DANS CES PAYS ?

Distinction doit être faite entre deux niveaux caractéristiques du système agroalimentaire de ces pays :
- La première économie composée d'entreprises agroalimentaires à haute valeur ajoutée : grandes entreprises et grandes firmes multinationales (NESTLE, COCA COLA).

- La seconde économie : composée d'entreprises (PEA, OSP) à faible valeur ajoutée produits locaux en général.

La question se pose de savoir si ces entreprises entreprennent des démarches qualité conformes aux normes (nationales et internationales) et quelles relations elles entretiennent avec l'environnement local de la qualité (dispositifs d'appui et contrôle /inspection, collectivités locales) ?

- Dans les entreprises de la première économie :

- Les entreprises de la première économie ont une composante qualité relativement
affirmée en leur sein. Les entreprises visitées et qui nous semblent caractéristiques de cette tendance sont : la Restauration de luxe, la Société laitière du Niger, NIGERLAIT (Niger), NESTLE (Côte d'Ivoire). Ces entreprises ont une composante qualité qui met l'accent sur les bonnes pratiques d'hygiène, les bonnes pratiques de fabrication et les emballages. Chez NESTLE en particulier, nous avons rencontré des personnes ressources qui s'occupent de l'hygiène, de la qualité des emballages, de la fabrication et du contrôle de la qualité. En cela, ces entreprises internalisent ou mènent en leur sein les fonctions de construction de la qualité.

Mais en règle générale, il est difficile d'avancer que ces entreprises entreprennent des démarches qualité conformes aux normes et à la réglementation.

- En effet, nous avons constaté que les dispositifs de normalisation étaient en gestation et disposaient de peu d'information sur les normes requises. Dans ces conditions, il est clair que les entreprises n'en disposent pas encore. La seule hypothèse que nous puissions avancer est que ces entreprises utilisent leurs propres cahiers des charges qualité.

- En outre, même si ces grandes entreprises (NESTLE ou les brasseries surtout) disposent de laboratoires de contrôle, il reste que les laboratoires nationaux de contrôle qui n'ont pas de laboratoires accrédités (donc habilités à contrôler la qualité de ces entreprises) ne sont pas en mesure de contrôler les grandes firmes originaires du pays et les grandes firmes implantées dans le pays.

 

- Dans les entreprises de la seconde économie :

Parmi les entreprises visitées, nous citerons :
le CERCLE DES SECHEURS (Burkina Faso), les transformateurs de la viande braisée (mouton, buf, poisson) au Niger, au Mali et au Burkina, les restaurants appelés maquis 2000 (Niger), Restaurant Le jardin, l'eau de vie(Burkina Faso) ; Bamako (restaurant animé par des griots, Cameroun (maquis traiteurs), Bénin (restauration classique). A signaler qu'il est difficile de trouver un restaurant à Porto Novo.

Ces entreprises transforment des produits. Leur principal atout est la reproduction des saveurs (qualité organoleptique) appréciée des consommateurs. En revanche, leur limite a trait à la non prise en compte d'autres aspects de la démarche qualité tels que l'hygiène des produits, les bonnes pratiques de fabrication, l'environnement de la production, la qualité des emballages et la présentation des produits. Quelques rares entreprises ont été associées aux projets comme AVAL (Action de valorisation des savoir-faire agroalimentaires en Afrique de l'Ouest), projet au sein duquel des formations ont été délivrées en matière de sensibilisation à l'hygiène, et de BPF (bonnes pratiques de fabrications). Mais dans ce projet, la qualité est construite sans qu'il ne soit fait référence au normes requises au plan national. Une raison à cela : la normalisation concernant les produits locaux est soit en gestation, soit inexistante. Dans tous les pays concernés, il n'existe aucune norme sur la restauration.

Les dispositifs d'appui : Dans un contexte de normes non élaborées (sur les produits locaux en particulier) et d'absence d'information sur le sujet, les dispositifs ont du mal à jouer leur rôle.
Par exemple, les travaux réalisés par la faculté de biochimie et le Département de technologie alimentaire du Centre National de la recherche scientifique de Ouagadougou ont révélé des problèmes bactériologiques sur les produits valorisés par les entreprises de la seconde économie. Mais ces études sont le fait des chercheurs qui valorisent surtout leurs propres travaux de recherche. Aucune suite n'est donnée à ces travaux en termes de solutions aux dysfonctionnements constatés (voir travaux de Nicolas Barro et Alfred Ouedraogo ; CRSBAN).
Il n'y a pas de synergie institutionnelle entre ces laboratoires d'analyse / contrôle et les dispositifs de contrôle/inspection des produits. Plus grave encore, les inspecteurs n'ont pas les moyens de contrôler les produits sur les marchés et aux frontières.
Tout peut porter à croire que la formation en qualité constitue le moyen d'y remédier. Mais dans les faits, les Ecoles de formation sont rares et offrent parfois des formations adaptées à un profil bien ciblés d'apprenants (BTS et Bac +2). C'est le cas de l'ENFEFS (Ecole nationale de formation en économie familiale et sociale) ­ Sénégal et de l'Ecole AWA Keita (Bamako ­ Mali) qui reçoit des profils plus élargis en accueillant des filles déscolarisées (deuxième économie) dans le cadre de projets. Ces démarches sont encourageantes mais restent limitées si l'on tient compte des besoins en formation et des effectifs des entreprises qui s'occupent de la transformation dans la seconde économie.

Une conséquence de ce qui précède : la coordination des actions visant le traitement de la qualité n'est menée ni dans la première économie, ni dans la deuxième économie.

Conclusion : Le traitement de la qualité n'est pas assis sur un système de règles partagées par les acteurs du secteur agroalimentaire. Il n'existe pas au niveau des pays un agenda de la construction de la qualité devant être exécuté dans le cadre d'une politique d'envergure nationale.

 

   
    3) COORDINATION DE LA QUALITÉ PAR LS ACTEURS    
   

 

Les types de coordination identifiés entre dispositifs de la qualité se situent aux plans national et international. Les projets exécutés au niveau des pays apparaissent comme des formes de coordination de la qualité mises au service du renforcement des entreprises exportatrices. Les projets à dimension régionale se veulent des projets de renforcement des capacités à la fois des institutions et des experts qualiticiens : condition sans laquelle les entreprises ne peuvent disposer des compétences adaptées aux exigences des marchés.

3.1 Les Projets de promotion des Produits d'exportation : une lueur d'espoir
Coordination nationales appuyées par les projets : cas du Burkina Faso et du Sénégal

Sur le plan national, deux projets sont financés par la Banque Mondiale :

- le Sénégal, Projet de Promotion des exportations agricoles (PPEA) ;

- et le Niger, projet de promotion des exportations agro-pastorales (PPEAP).

Ces projets abordent les questions de la qualité. En effet, dans l'exécution de ces projets, la composante qualité est prise en compte de façon originale. Dans le cas du Sénégal, l'approche expérimentée met l'accent sur la démarche en termes de " qualité totale ". Au Niger, le projet traite essentiellement la qualité territoriale (origine des produits).

a) Sénégal :

Au Sénégal, le projet PPEA mène un travail visant à traiter la qualité au moins dans trois filières (mangue, haricot vert, tomate, cerise) du champ jusqu'au service de conditionnement/conservation basé à l'aéroport de Dakar. Le projet a fait appel aux experts qui ont appliqué des démarches qualité aux différents maillons de la filière en termes de qualité totale. Les principales structures impliquées sont les services de Direction de protection des végétaux (calibrage, minimisation des résidus de pesticides), les consultants privés (démarches qualité), les services de normalisation (normes ISO).

Depuis son démarrage, " le Projet de Promotion des Exportations Agricoles (PPEA) a basé l'essentiel de ses actions en considérant la maîtrise de la qualité comme élément déterminant pour le développement de la filière mangue d'exportation au Sénégal.

Le projet a produit un Guide export - Mangue du Sénégal qui se veut un document de référence et un outil pratique qui fournit aux producteurs et aux exportateurs un maximum de conseils à toutes les étapes cruciales de la chaîne d'exportation. Ce guide est un manuel didactique destiné à la "formation du personnel de récolte et de conditionnement ".

Le contenu du guide est axé sur les opérations liées à la maîtrise de la qualité du produit exporté (pour plus d'informations voir iflex.com).

b) Niger

Au Niger, le PEAP a mis l'accent sur sept produits : niébé, oignon, souchet, sésame, gomme arabique, bétail/viande, cuirs/peaux. Dans le domaine de la qualité, le projet entreprend des tests de mise en marché des produits sous label " Niger ". En effet, le choix des emballages fournis par la Côte d'Ivoire ainsi que leur marquage ont permis aux producteurs d'augmenter leurs ventes sur les marchés. Alors qu'avant le projet, ces produits étaient difficilement commercialisés sur le plan international en raison de leur anonymat total.

En matière de marquage des produits, les gestionnaires du projet reconnaissent cependant qu'un travail de caractérisation des produits d'origine doit être mené. Dans cette perspective, l'INRAN (Institut national de la recherche agronomique du Niger) a commencé à reconstituer la semence de l'oignon de Galmi

Par ailleurs, des tables métalliques ont été fournies à une dizaine d'opérateurs économiques pour améliorer l'hygiène de la viande.

En guise de conclusion, le constat que nous pouvons faire dans les deux cas (Burkina Faso et Niger) est que les projets mis en uvre sont limités aux produits d'exportation. Pourtant dans ces pays, comme en Afrique en général, il existe une grande diversité de produits qui requiert des démarches qualité susceptibles de répondre aux normes nationales, régionales et internationales.

Néanmoins, ces expériences en cours sont porteuses car, pour la première fois, les entreprises agroalimentaires mènent des actions concertées de démarche qualité en relation avec des dispositifs d'appui spécialisés et qui de ce fait ont des fonctions complémentaires.

Ce type d'expérience peut profiter à d'autres filières (production agricole, pêche, élevage, etc). Ces expériences peuvent également contribuer au processus de spécialisation des dispositifs d'appui ; car les stratégies de multi-spécialisation ou de polyvalence en qualité adoptées par certaines institutions sont de nature à intensifier la concurrence plutôt qu'à faire jouer la complémentarité inter-institutionnelle.

En résumé, les acquis de ces projets (Niger, et Sénégal) peuvent être mis au service d'autres pays. En effet, les responsables de ces projets sont disposés à partager leurs expériences dans le cadre d'opérations d'échanges qui pourraient être organisés à la suite de cette étude.

3.2 Les prospectives en termes de renforcement des capacités : les projets régionaux ONUDI ­ UEMOA - UE

Sur le plan international, les actions autour de la qualité sont également coordonnées à travers des projets régionaux. Elles ont une vocation prospective en terme de renforcement des capacités des experts et des institutions de qualité des pays de la sous-région.

Dans le domaine de la qualité, le projet phare identifié est le programme intitulé : " Mise en place d'un système d'accréditation, de normalisation et de promotion de la qualité au sein de l'UEMOA ". Ce projet est coordonné par l'UEMOA, l'ONUDI et l'UE. Nous avons profité de cette mission pour rencontrer les animateurs de ce programme qui sont basés au siège de l'UEMOA à Ouagadougou.

Ce programme développe trois axes de travail : (1) la mise à niveau des laboratoires pour une accréditation internationalement reconnue, (2) l'harmonisation des normes et la définition des cadres juridiques et réglementaires additionnels dans tous les pays de l'UEMOA, (3) la promotion de la qualité par le développement d'une culture qualité et par un appui pratique aux entreprises qui uvrent à promouvoir la qualité.

Ce programme est toujours en cours. Cinq séminaires de formation ont été organisés durant le dernier trimestre 2002 dans les trois volets : accréditation, normalisation, promotion de la qualité. Une des critiques formulée à l'endroit de ce projet est la durée de ces séminaires de formation, cinq jours en moyenne. De l'avis de nombreux experts, les délais de formation sont très limités. De même, le nombre d'experts sollicités pour suivre ces formations est très limité comparativement aux besoins de la sous-région. En gestion de la qualité par exemple, la formation (norme ISO 9001 version 2000) a été suivie par des cadres professionnels sélectionnés, en moyenne 2 par pays. Des réseaux régionaux se mettent en place autour de ces trois volets.

De notre point de vue, la principale limite de ce programme est l'absence d'une prise en compte du secteur agroalimentaire dit " informel " qui travaille majoritairement sur les produits agroalimentaires locaux. La promotion de la qualité semble essentiellement cibler les entreprises moyennes ou grandes. Par ailleurs, la question de la qualité est très englobante dans la mesure où le traitement de la qualité recouvre l'ensemble des secteurs productifs (agroalimentaire, bâtiment, etc). Dans ces conditions l'évaluation des compétences en qualité agroalimentaire est quasi-illisible dans la sous-région.

   
   

 

4) LES PERSPECTIVES INSTITUTIONNELLES D'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ

 

   
   

Dans l'ensemble de la sous-région, la prise de conscience par les acteurs (entreprises dispositifs d'appui, consultants, associations de consommateurs, etc.) de l'importance de la qualité dans le secteur agroalimentaire est tout à fait indéniable. En témoigne, l'organisation annuelle des Journées de la qualité qui se tiennent autour de nombreuses thématiques (Burkina Faso et Cameroun en particulier). Cependant, compte tenu de l'ampleur du travail à accomplir, il nous semble que de nombreuses questions restent en suspens eu égard aux enjeux de la qualité en termes de santé publique et d'accès à différents marchés.
Sans prétendre à un relevé exhaustif des recommandations, il nous semble indispensable de procéder à une sélection des actions opérationnelles envisageables à court, moyen et long terme.

Mettre en place une Agence Nationale de la Qualité Agroalimentaire avec des antennes régionales

Tout d'abord, nous suggérons que chaque pays de la sous-région mettent en place une Agence nationale de la qualité agroalimentaire regroupant des spécialistes représentatifs (i) des dispositifs d'appui en qualité (laboratoires d'analyse / contrôle de qualité, de certification et de métrologie, associations de qualiticiens, consultants), (ii) des organisations socioprofessionnelles (secteur par secteur), (iii) des associations de défense des consommateurs, (iv) des structures de formation, (v) des services de normalisation, (vi) les structures d'inspection et de contrôle.

Cette instance nationale de la qualité, placée sous la tutelle du gouvernement devrait contribuer à la définition et à la spécification des rôles de chaque structure travaillant dans le domaine de la qualité. De sorte que ces dernières puissent situer leur complémentarité et agir ensemble dans le traitement de la qualité agroalimentaire (amélioration de la qualité, contrôle de la qualité, labellisation des produits de terroir ou régionaux, dispositifs de sanction).

D'autre part, cette agence nationale de la qualité devra mettre en place des antennes régionales et proposer aux gouvernements de chaque pays des orientations générales en matière de politique de la qualité agroalimentaire émanant des besoins des acteurs des régions et tenant compte des exigences en matière de réglementation (nationale et internationale.

 

Actions prioritaires à mener

Quelques actions prioritaires doivent être conduites par ces instances :

Le renforcement des capacités des acteurs en fonction des besoins identifiés.

Il s'agit :

- des experts qui oeuvrent à l'appui des entreprises et des organisations socioprofessionnelles ;
- du personnel chargé du contrôle / sanction des produits fabriqués au niveau local et des produits importés ;
- des spécialistes chargés de la normalisation (coordination des processus d'élaboration des normes, de diffusion de l'information sur les normes),
- des chercheurs des laboratoires dans différents domaines (bonnes pratiques de laboratoire, méthodes HACCP, audit qualité des laboratoires, accréditation des laboratoires).
- des laboratoires capables de contrôler les laboratoires et les produits des grandes firmes du pays et des grandes firmes implantées dans les pays.
- des formateurs qui interviennent en démarche qualité dans les entreprises agroalimentaires et leurs organisations en démarche qualité, (auditeurs qualité, méthode HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point - Analyse et contrôle des points critiques), choix et utilisation des emballages, hygiène alimentaire, corporelle et vestimentaire, bonnes pratiques de fabrication.

La création de répertoires des produits agroalimentaires locaux (céréales, tubercules, fruits et légumes, légumineuses, élevage, pêche, produits halieutiques) devant faire l'objet de procédures de normalisation nationale, régionale et internationale et d'application des normes.

La formation des entrepreneurs en activité ou bien de ceux qui souhaitent entrer en activité. A cet égard, il est nécessaire que soient mises en place de nombreux centres de formation disposant d'une composante qualité dans le domaine agroalimentaire. Ces derniers doivent accueillir des transformateurs aux profils représentatifs du secteur de la transformation des produits locaux. Dans le domaine particulier de la qualité, ces centres basés dans toutes les régions des pays doivent concevoir des méthodes d'apprentissage adaptés aux profils des transformateurs.

La définition d'un arsenal juridique

Les pays devront définir un arsenal juridique partagé en partenariat avec les juristes, les parlements nationaux et régionaux. Cette arsenal va fixer un cadre réglementaire prévoyant des sanctions pour les entreprises et contribuant aux règlements de conflits en cas de litiges (défense des consommateurs) .

Mise en oeuvre de projets pluri-sectoriels

A moyen terme, les pays devront mettre en uvre des projets pluri-sectoriels conformes aux normes requises au plan national, régional et international. Ce travail intéresse tous les pays de la sous-région. Dans l'ensemble, les collègues rencontrés partagent cette idée. Ces projets nécessitent des financements lourds. Ils peuvent être montés avec l'appui financier des gouvernements, des régions et des bailleurs de fonds internationaux. Leur pilotage doit reposer sur des dispositifs nationaux qui ont un statut de leader en matière de qualité. Les partenariats doivent être ficelés sur la base d'une méthodologie qui tient compte de toutes les composantes de la qualité et d'une connaissance fine des compétences disponibles dans les pays, dans la sous-région (Sud-Sud) et au niveau international (Nord-Sud).

Sensibilisation des consommateurs

Il faut que dans chaque pays, les médias (télévision, radio nationales et privées, presse) prévoient, en partenariat avec les associations de consommateurs, des créneaux horaires au cours desquelles les populations pourront acquérir diverses informations : bonne utilisation des produits par les ménages (conservation, hygiène alimentaire) pour éviter les risques alimentaires, connaissance des droits du consommateur, information sur les produits dangereux).

Aménagement de l'environnement

Les pouvoirs publics doivent aménager ou construire des sites de production pour les petites entreprises agroalimentaire. Ce travail devra tenir compte des besoins des transformateurs (restauration de rue en particulier) et des normes environnementales à respecter.

Renforcer les capacités des décideurs politiques :

Dans le contexte actuel de la décentralisation, les collectivités locales doivent disposer de compétences pour conduire les politique de qualité. Ce travail devra consister à :


- Organiser des voyages pour que les décideurs sachent ce qui se passe dans villes ou des pays dont les expériences peuvent être jugées pilotes ;

- Organiser de séminaires de sensibilisation et d'information des autorités politiques (nationale et régionale) aux enjeux et à la complexité technique des politiques de promotion de la qualité agroalimentaire.

- Organiser de rencontres nationales afin que les structures interministérielles nationales s'approprient les acquis des projets d'échanges d'expériences exécutés dans la sous-région (par exemple, Projet ONUDI-UEMOA de " Mise en place d'un système d'accréditation, de normalisation et de promotion de la qualité au sein de l'UEMOA ").

- Evaluer des acquis de ces projets dans la perspective de leurs mobilisation dans les projets nationaux orientés vers la qualité.

- Organiser de rencontres régionales réunissant les structures interministérielles afin que celles-ci définissent un agenda d'actions partagées au niveau de la qualité : création ou renforcement de structures de formation adaptés au profil de l'entreprenariat régional, promotion de la qualité des produits, harmonisation des normes régionales, renforcement des capacités de contrôle des produits à l'intérieur et autour de l'espace régional, production d'un arsenal juridique concernant la qualité des produits.

   
   

 

BIBLIOGRAPHIE

   
   

 

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GIROUX François : Etat des ressources humaines disponibles au CPU dans le domaine agroalimentaire, in rapport F. Giroux Avril 2002.

BARRO Nicolas et all : Evaluation de la qualité microbiologique de quelques aliments de rue dans la ville de Ouagadougou au Burkina Faso, Cahiers santé 2002.

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Projet de promotion des exportations agropastorales : le Niger à la conquête du marché international, Ministère du développement Agricole.

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Situation des Agents de la DPV, Niger.

Laboratoire National de santé publique : Liste des documents à acquérir pour la direction du contrôle des aliments et de la nutrition appliquée.

   
 

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